Les Caractères de Théophraste ont traversé les siècles. Que vous soyez helléniste ou simple observateur, vous en connaissez sûrement quelques-uns. Aujourd’hui nous vous faisons rencontrer, M. et Mme Malotru, les Bdelyrias. Par Laure de Chantal
BDELYRIAS
La bdelyria (βδελυρία) n’est pas difficile à définir ; c’est une façon de plaisanter choquante et qui s’étale. Et voici quelle sorte d’homme est le bdelyros (l’impudent, le malotru selon le dictionnaire). Rencontre-t-il des femmes libres, il se retrousse de façon à exhiber sa virilité. Au théâtre, il bat des mains quand les autres s’arrêtent ; il siffle les acteurs qui ont la faveur du public ; au milieu du silence général se renversant en arrière, il lâche un hoquet pour obliger toute l’assistance à se retourner. Sur le marché, à l’heure de la plus grande affluence, il s’approche des boutiques où l’on vend des noix ou des baies de myrte ; et là, debout, il grappille sur l’étal, en faisant la causette avec le marchand. Une personne passe qu’il connaît à peine il l’interpelle par son nom. Une autre arrive d’un air pressé : il l’engage à s’arrêter. Un plaideur sort du tribunal, où il a perdu un gros procès : il l’aborde et lui présente ses félicitations. C’est lui qui fait en personne son marché, qui loue des joueuses de flûte ; et à tous ceux qu’il rencontre il montre ses provisions et les invite à la fête. Il s’arrête devant la boutique du barbier ou du parfumeur, et déclare aux clients qu’il a dessein aujourd‘hui de faire bombance.
Extrait des Caractères, Texte établi et traduit par Octave Navarre, CUF, Les Belles Lettres, 2003