Remedia morbis - II. Anthologie de textes contre le mal de ventre

Texte :

Tous les quinze jours, Nicola Zito vous invite à découvrir les remèdes médicaux les plus curieux des Anciens, entre science, magie, astrologie et superstition. Libre à vous de les expérimenter !

1. Aristophane, Les Nuées, v. 383-393.

La maïeutique socratique : un détournement

Socrate. – Ne m’as-tu pas entendu ? Je dis que les Nuées pleines d’eau tombent les unes sur les autres et font ce fracas à cause de leur densité.

Strepsiade. – Voyons, le moyen de croire cela ?

Socrate. – Par ton propre exemple je vais te l’apprendre. Il t’est déjà arrivé, n’est-ce pas, gorgé de sauce, aux Panathénées, d’avoir des troubles au ventre et d’y entendre soudain des crépitements prolongés ?

Strepsiade. – Oui, par Apollon ; et aussitôt je le sens qui fait des siennes plein de trouble : et pareil au tonnerre, la petite sauce fait un fracas et un vacarme terribles ; doucement d’abord, pappax, pappax ; ensuite, plus vivement, parapappax ; et quand je… fais, c’est le tonnerre : parapappax, tout comme Elles.

Socrate. – Songe donc, avec un petit ventre minuscule quelle pétarde tu fais ! Et l’Air que voici, qui est sans limites, n’est-il pas naturel qu’il tonne grandement ?

Aristophane, Comédies. Tome I, éd. par V. Coulon et H. van Daele, Paris, Les Belles Lettres, 1923, p. 180-181.

2. Firmicus Maternus, Mathesis, IV, 15, 2.

Quand la Lune s’écarte de Saturne…

Si elle est peu éclairée, elle provoquera un froid permanent dans la région du ventre – les Grecs appellent ces gens les ventres froids – et fera des gens qui souffrent de maladies sans fin de leurs humeurs, maigres, souffrant de la rate, de la dysenterie, hydropiques, souffrant des poumons, de la vessie, tourmentés par les douleurs cachées de leurs maladies ; mais elle attribue cela en fonction de la qualité des signes.

Firmicus Maternus, Mathesis. Tome II (Livres III-V), éd. par P. Monat, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 166.

3. Maxime, Des Initiatives, v. 208-216.

Quand la Lune s’approche de la Vierge…

Si c’est avec Diké[1] que marche de concert la toute-brillante Séléné, une maladie obscure affectera pendant longtemps les hommes éphémères ; mais il échappe à la mort, celui qui ce jour-là commence à souffrir dans ses membres souples, pourvu qu’il ne soit pas alourdi par une indisposition de l’estomac ou du flanc – la Lune ne lui fera pas recouvrer rapidement la santé. Que ne survienne pas à ce moment-là une hémorragie chez un sujet masculin, et qu’il ne plaise pas aux femmes d’avorter à cette période : la Lune en effet est porteuse d’un fléau impitoyable.

Maxime, Des Initiatives, éd. par N. Zito, Paris, Les Belles Lettres, 2016, p. 11.

4. Anonyme, CCAG IV, p. 136, l. 8-11.

La plante de la Lune

La plante de Séléné est le rosier-des-chiens : son suc purifie les aigreurs de la poitrine, de l’estomac et des flancs ; il rétablit également l’acuité visuelle, soigne les faiblesses de la vue et règle les problèmes d’un estomac en mauvais état, mais soigne également les coliques et les brûlures du fessier.

5. Hermès Trismégiste, CCAG VIII, p. 162, l. 14-23.

La plante de Mercure

Le quintefeuille, plante de Mercure : certains appellent cette plante pentapetalon (“cinq-feuilles”, d’autres eupatorion (“de noble naissance”), d’autres anthropocheiron (“main d’humain”), d’autres pseudoselinon (“faux persil”). Elle produit des pousses en forme de flammes, fines, longues d’un empan[2], semblables à la menthe, séparées tout autour en cinq parties, sa fleur est d’un jaune pâle. Elle pousse dans des lieux abondants en eau et elle a une racine rougeâtre. Broyée et appliquée en emplâtre, elle soigne les blessures qui se produisent dans les articulations, ainsi que celles accompagnées d’inflammations et produites par des coups. Son suc, bu avec de l’eau jusqu’à deux cuillères, met immédiatement fin aux coliques.

6. Marcellus Empiricus, Des remèdes, XXIII, 68.

Guérir par… l’écorce de figuier

Tu détacheras l’écorce d’un figuier sauvage et, pendant qu’elle est encore fraîche, tu la poseras sur la rate, ou aussi, s’il est nécessaire, sur le foie et, là où il y a une enflure ou une induration de la rate ou du foie, c’est là que tu garderas pendant longtemps l’écorce, puis tu la suspendras dans la fumée. Quand tu le feras, tu demanderas que, de même que cette écorce, consumée petit à petit par la fumée, se dessèche, de même la rate ou le foie du patient se dessèche.

7. Galien, Médicaments simples, IX, 2, 19-21, Kühn 12, p. 207, l. 2 – p. 208, l. 10.

Les vertus guérisseuses du jaspe vert

Certains attestent pour quelques pierres une propriété comparable à celle qu’a réellement le jaspe vert, qui est utile pour l’œsophage et la bouche de l’estomac, quand il est attaché en amulette. Quelques-uns sertissent aussi la gemme dans une bague et gravent sur elle le serpent ayant des rayons, comme l’a écrit le roi Néchepso dans son quatorzième livre. De cette pierre, moi aussi j’ai une expérience suffisante, et ayant confectionné un petit collier de petites pierres de cette nature, je l’ai fait pendre en amulette du cou en lui donnant une taille telle que les pierres touchent la bouche de l’estomac. Elles n’apparaissaient pas moins utiles si elles n’avaient pas l’entaille que Néchepso a décrite.

Trad. J. Jouanna, REG 124 (2011), p. 74-75.

8. Galien, Médicaments simples, X, 2, 21, éd. Kühn 12, p. 295, l. 6 – p. 297, l. 9.

Les vertus guérisseuses de la fiente de loup

Quelqu’un faisait boire de la fiente de loup aux malades atteints de colique non seulement lors des paroxysmes, mais aussi pendant les intervalles, dans les cas où ils souffraient sans inflammation. J’ai vu certains d’entre eux qui n’étaient plus pris par l’affection ou qui, tout en étant pris, ne souffraient plus jamais à nouveau fortement ni après un petit intervalle de temps. Cet homme-là choisissait la fiente blanche des loups de préférence, celle qui rejette les os qu’ils ont mangés. Je m’étonnais de ce que cela aussi, attaché en amulette, était souvent manifestement utile. Cet homme choisissait donc la fiente qui n’était pas tombée sur la terre ; cela n’est pas difficile, car cet animal-là a une nature comparable à celle du chien, en levant l’une des pattes arrière pour uriner et déposer sa fiente sur une des plantes sorties du sol. C’est donc sur des épineux qu’on trouve souvent à la saison de l’été la fiente de loup, ainsi que sur des buissons, des haies ou des plantes bien fournies. On trouve dans leur fiente aussi la partie des os de la bête dévorée qui a échappé à la digestion comme à la mastication, partie qu’il écrasait et broyait pour la donner en potion aux malades atteints de coliques. Et si le patient était soucieux de la propreté, il y mêlait du sel et du poivre ou quelque condiment analogue. Il donnait le tout dans du vin fluide par sa consistance, parfois aussi dans de l’eau. Quant à la partie de la fiente attachée en amulette autour des flancs du malade, il prescrivait qu’elle ait un lien pour suspendre fait de préférence avec la laine de petit bétail, mais pas de n’importe lequel. Il était bien préférable selon lui que ce soit la laine de l’animal mis en pièce par le loup dans l’idée qu’elle serait adaptée à un tel usage ; mais si l’on ne disposait pas d’une telle laine, il prescrivait que ce soit avec de la peau de biche que l’on fasse la courroie qui entoure les flancs ainsi que l’enveloppe elle-même pour contenir la fiente. Quant à nous, mettant de la fiente dans un petit vase de la taille d’une très grosse fève, nous l’avons attaché en amulette à certains malades pour faire une expérience. Et nous avons été étonné de voir que la plupart d’entre eux en étaient manifestement soulagés. Nous adaptions au petit vase deux sortes d’oreilles, à travers lesquelles passait l’attache. Cela est bien sûr un développement accessoire, si l’on doit accorder confiance également à de telles amulettes ; et je le dis de telle façon que c’est bien une substance qui est mise en amulette, et non pas des mots barbares, comme ont l’habitude de le faire certains sorciers, parce qu’effectivement j’ai expérimenté d’autres substances qui agissent de façon analogue contre d’autres affections. Mais ce n’est pas maintenant l’occasion d’en parler. Revenons donc à notre sujet.

Trad. J. Jouanna, REG 124 (2011), p. 75-76.

9. Hermès Trismégiste, Livre sacré sur les décans, 20.

Athoum, le premier décan de la Vierge

Celui-ci a pour nom Athoum et la forme ci-dessous : le visage est celui d’un chien, ayant sur la tête une crête ; pour le reste du corps il est chaud (?) et couleur de feu. Il se tient debout sur un socle. Celui-ci régit les affections produites dans le ventre. Grave-le donc sur la pierre (appelée) corallite, et, plaçant au-dessous la plante (appelée) œil de belette, renferme dans ce que tu veux et porte (sur toi), en t’abstenant du foie de truie blanche.

Trad. C.-E. Ruelle, RPh 32 (1908), p. 263.

10. Pline, Histoire naturelle, XXX, 43.

Guérir… par les chiens !

Nous appelons d’un seul mot, praecordia, les viscères de l’homme. S’ils souffrent en quelqu’une de leurs parties et qu’on presse sur cet endroit un petit chien qui tette encore, le mal, prétend-on, passe à l’animal, ce que l’on reconnaît en l’éventrant et en arrosant de vin ses entrailles : on voit alors, altéré, le viscère qui chez l’homme était malade ; mais c’est une obligation religieuse d’enterrer cet animal. Ceux que nous appelons chiens de Mélita, appliqués à de fréquentes reprises sur l’estomac, en apaisent la douleur : on constate que le mal a passé en eux, car ils deviennent malades et, le plus souvent, meurent.

Pline l’Ancien, Histoire Naturelle. Livre XXX, éd. par A. Ernout, Paris, 1963, p. 38.

 

[1] Puisque Aratos, auteur au iiie siècle av. J-C d’un important poème consacré aux Phénomènes célestes, identifie la Vierge à la Justice qui, après avoir séjourné sur la terre pendant les âges d’or et d’argent, s’envole vers le ciel dégoûtée par les crimes des hommes de la race d’airain (Phén. v. 100-136), la Vierge est souvent appelée Justice (Diké) dans les textes astrologiques.

[2] Mesure d’une demi-coudée, ou de trois quarts de pied.