Signes indubitables de printemps sur le campus : de vastes tapis de crocus et de jonquilles s’étendent à l’infini sous les arbres, malgré la terre détrempée et la rareté des éclaircies. Conséquence presque fatale du trimestre d’hiver ou Winter Term, avec son cortège d’intempéries et de maladies (cette année, horresco referens, apparition inopinée de la varicelle chez les étudiants), l’ensemble du corps enseignant compte les jours qui le séparent des « vacances » de Pâques, une bienheureuse plage de cinq semaines où l’on peut, en théorie, se consacrer plus librement à la recherche, s’occuper de son jardin, prévoir quelques sorties familiales, voire même, luxe inouï, partir en Vacances véritables. Alors que chacun rêve d’un ailleurs merveilleux, les tâches ingrates s’accumulent, les réunions aussi : nouveaux modules à peaufiner, discuter et valider pour l’année prochaine, examen de questions lancinantes telles que l’introduction de nouvelles formes d’évaluation ou le passage en revue des cas d’étudiants les plus épineux, etc. Cours et copies résistent, obstacles impossibles à contourner : comptons de vingt à vingt-cinq heures de travail pour cette pile de 45 dissertations sur la médecine antique, dont une trentaine sur les rêves, le sujet apparemment plébiscité par les étudiants. Ces nouveaux cours, par exemple sur la médecine tibétaine, il faut bien les préparer : une dizaine d’heures peut-être. Pour l’auteur de ces lignes qui doit en sus écrire deux conférences, la fin du trimestre s’avère un exercice périlleux : fallait-il accepter ces invitations, un colloque à Ann Arbor et une conférence à Montréal ? Le fait que ces événements coïncident avec la dixième semaine du trimestre ne signifie pas que mon trimestre en est raccourci ; il signifie que tout le travail doit être concentré sur huit semaines au lieu de dix – rétrospectivement, un choix bien imprudent. De surcroît, les prévisions météorologiques semblent indiquer que ni le Michigan, ni le Québec ne sont encore au printemps. Températures négatives à deux chiffres la nuit… Mais pour mes collègues non moins harassés, qui doivent faire face à un énième Open Day le jour même de ma conférence à Montréal, je suis une insupportable veinarde. Où est donc cette chapka ?
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