À la très prestigieuse conférence Marc Bloch, Mary Beard, merveilleuse professeur de Classics peu classique, se demandait, avec une pointe de malice, ce qui faisait rire les Romains. Et de raconter une anecdote rapportée par Dion Cassius : dans le Colisée, l’empereur Commode, accoutré en gladiateur, après avoir massacré force animaux, menace les spectateurs du premier rang, principalement des Sénateurs, en brandissant une tête d’autruche coupée. Bien loin d’inspirer la frayeur attendue, l’empereur provoque le fou rire de ceux qu’il menace. Pour masquer leur hilarité les Sénateurs potaches se font passer des feuilles de laurier et les mâchent, évitant ainsi le fer et les foudres impériales.
Ouf ! les Romains riaient. Ils riaient même religieusement, et longtemps : pendant quinze jours, lors des Hilaria, les prêtres d’Attis et de Cybèle célébraient la légende du dieu phrygien. Farces et moqueries étaient les bienvenues, si bien que certains y voient une des origines possible du poisson d’avril.
L’histoire pourtant, n’a rien à première vue de comique, à moins d’avoir un goût prononcé pour le vaudeville, et l’humour noir. Attis est un jeune berger, orphelin. Il se dit toutefois qu’il serait le fils de Jupiter et de la grande déesse Cybèle, violée à son insu. De rage, elle aurait abandonné cet enfant non voulu. Mais l’enfant grandissant, sa beauté est telle que Cybèle en tombe follement amoureuse. Naturellement, le jeune homme lui préfère la jeune Naïade qui l’initie au plaisir charnel. Folle de rage à nouveau, Cybèle frappe de folie le berger, qui erre, furieux, dans les montagnes avant de s’émasculer. De son sang naît le pin, aux aiguilles persistantes. Selon une autre version, Cybèle aurait demandé la résurrection d’Attis, mais Jupiter aurait seulement consenti à ce que l’arbre soit toujours vert. Le culte d’Attis se développe en Grèce et en Asie Mineure avant de connaître une fortune particulière à Rome. En effet une prophétie des Livres Sybillins enseigne que la ville serait protégée tant que serait célébré le culte de Cybèle et Attis.
Les Grecs n’étaient pas de reste : dès la fin du chant I de l’Iliade, les dieux sont pris d’un rire inextinguible, un fou-rire divin, depuis appelé un « rire homérique ».
Amis des Classiques soyons homériques : rions divinement avec les Romains et les Grecs !
Ps. Pour lire la conférence de Mary Beard, c’est ici
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