Comme l’indique l’édito de ce mois, Février célèbre le grand Molière ! Et si l’un des passages les plus connus de son œuvre n’est autre que le monologue d’Harpagon, dans l’Avare, dont le « Au voleur ! Au voleur ! » est resté dans les annales (merci De Funès !), le dramaturge français connaissait bien ses classiques… Dans l’Aulularia, « la petite marmite », Plaute, comique latin du III-IIe s. av. J.-C., met en scène Euclion, un vieil avare grincheux, qui vit dans la crainte qu’on lui dérobe une marmite d’or et se méfie de son entourage. Mais voilà que le pire se produit : la marmite disparaît… La Vie des Classiques vous propose donc aujourd’hui de lire le monologue d’Euclion, dans la spectaculaire traduction de Florence Dupont.
Euclion Fini, fichu, foutu Où courir ? Où ne pas courir ? Arrêtez-le ! Arrêtez-le Arrêter qui ? Qui arrête qui ? Qui ? Quoi ? Que ? Je ne sais rien, je ne vois rien, j’erre à l’aveuglette Où vais-je ? Où suis-je ? Qui suis-je ? Tout vacille dans ma tête Je vous en prie, aidez-moi Je vous en supplie, je vous en conjure Dites-moi qui me l’a volée Dénoncez-le Que dis-tu, toi ? On peut te faire confiance Tu as une bonne tête, on voit que tu es un type bien Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi riez-vous ? Je vous connais vous, tous autant que vous êtes Il y a pas mal de voleurs parmi vous Et je sais qui ils sont Ils se cachent sous leurs beaux costumes De candidats aux prochaines élections Ils sont là, assis, avec leur air candide Alors ? Personne d’entre eux ne l’a ? Tu me tues ! Mais parle ! Dis-moi, qui l’a ? Tu ne sais pas ? Hélas ! Trois fois hélas ! Je suis fini, fichu, perdu Nu et vêtu d’opprobre Jour de larmes et de malheurs Jour de deuil Tu me condamnes à la faim et à la misère Me voici, moi, le dernier des hommes, le damné de la terre À quoi bon vivre ? Qu’étais-je sinon le gardien de cet or que j’ai perdu ? J’étais mon banquier frauduleux Je ne me payais jamais ce que je me devais M’interdisant toute dépense et tout plaisir Et maintenant c’est d’autres qui font la fête Pour ma ruine et mon malheur. Je ne peux pas le supporter |
Plaute, Aulularia, v. 713 sqq.
Editio minor, Les Belles Lettres
trad. Florence Dupont