Anthologie – Au voleur ! (Plaute)

2 février 2022
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Comme l’indique l’édito de ce mois, Février célèbre le grand Molière ! Et si l’un des passages les plus connus de son œuvre n’est autre que le monologue d’Harpagon, dans l’Avare, dont le « Au voleur ! Au voleur ! » est resté dans les annales (merci De Funès !), le dramaturge français connaissait bien ses classiques… Dans l’Aulularia, « la petite marmite », Plaute, comique latin du III-IIe s. av. J.-C., met en scène Euclion, un vieil avare grincheux, qui vit dans la crainte qu’on lui dérobe une marmite d’or et se méfie de son entourage. Mais voilà que le pire se produit : la marmite disparaît… La Vie des Classiques vous propose donc aujourd’hui de lire le monologue d’Euclion, dans la spectaculaire traduction de Florence Dupont.

 

Euclion

Fini, fichu, foutu

Où courir ? Où ne pas courir ? Arrêtez-le ! Arrêtez-le

Arrêter qui ? Qui arrête qui ? Qui ? Quoi ? Que ?

Je ne sais rien, je ne vois rien, j’erre à l’aveuglette

Où vais-je ? Où suis-je ? Qui suis-je ? Tout vacille dans ma tête

Je vous en prie, aidez-moi

Je vous en supplie, je vous en conjure

Dites-moi qui me l’a volée

Dénoncez-le

Que dis-tu, toi ? On peut te faire confiance

Tu as une bonne tête, on voit que tu es un type bien

Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi riez-vous ?

Je vous connais vous, tous autant que vous êtes

Il y a pas mal de voleurs parmi vous

Et je sais qui ils sont

Ils se cachent sous leurs beaux costumes

De candidats aux prochaines élections

Ils sont là, assis, avec leur air candide

Alors ? Personne d’entre eux ne l’a ?

Tu me tues ! Mais parle ! Dis-moi, qui l’a ? Tu ne sais pas ?

Hélas ! Trois fois hélas ! Je suis fini, fichu, perdu

Nu et vêtu d’opprobre

Jour de larmes et de malheurs

Jour de deuil

Tu me condamnes à la faim et à la misère

Me voici, moi, le dernier des hommes, le damné de la terre

À quoi bon vivre ? Qu’étais-je sinon le gardien de cet or que j’ai perdu ?

J’étais mon banquier frauduleux

Je ne me payais jamais ce que je me devais

M’interdisant toute dépense et tout plaisir

Et maintenant c’est d’autres qui font la fête

Pour ma ruine et mon malheur. Je ne peux pas le supporter

 

Plaute, Aulularia, v. 713 sqq.
Editio minor, Les Belles Lettres
trad. Florence Dupont

 

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