La Vie des Classiques vous propose aujourd’hui, suite à la très intéressante chronique autour des pratiques de la fellatio et de l’irrumatio dans la Rome antique, quelques poèmes de notre cher Catulle. Ce dernier, qui entend se démarquer des traditionnelles et grandiloquentes œuvres épiques, reprend dans certains de ses poèmes l’esthétique des poèmes priapiques, petites inscriptions menaçantes ornant les statues de Priape qui gardaient les jardins et éloignaient les voleurs. Le poète a été insulté ? Eh bien, il réserve un traitement humiliant à ses adversaires : ses vers violents.
Pedicabo ego vos et irrumabo, |
Je vous baiserai par la bouche et par le cul, Aurelius le giton et toi. Furius, l’enculé, qui, parce que mes petits vers sont licencieux, m’avez accusé de manquer de pudeur. Un poète pieux doit être chaste dans sa personne ; pour ses petits vers, ce n’est pas nécessaire ; ils n’ont de sel et de grâce qu’à la condition d’être licencieux et dévergondés et d’avoir de quoi exciter le prurit, je ne dis pas chez les enfants, mais chez les hommes poilus qui ne peuvent plus mouvoir leurs reins engourdis. Et vous, parce que vous avez vu dans mon livre des milliers de baisers, vous m’accusez de n’être pas un vrai mâle ? Je vous baiserai par la bouche et le cul. |
Cinaede Thalle, mollior cuniculi capillo |
Thallus l'enculé, plus mou que le poil du lapin, que la moelle de l'oie, que le fin bout de l'oreille, que le membre flasque du vieillard, que la toile moisie de l'araignée, Thallus, plus rapace aussi que les tourbillons de la tempête, quand la lune te montre les gens du vestiaire qui bâillent, renvoie-moi mon manteau que tu m'as volé, mon mouchoir de Saetabis et mes broderies de Thynos, que tu étales à tous les yeux, imbécile, comme un legs de tes ancêtres. Décolle-moi tout cela de tes ongles et renvoie-le moi, sinon sur tes petites côtes velues et sur tes mains mollettes les coups de fouet brûlants laisseront leurs traces honteuses, et tu t'agiteras de manière insolite comme un frêle esquif surpris sur la mer immense par un vent furieux. |
Quid dicam, Gelli, quare rosea ista labella |
Qu’est-ce à dire, Gellius ? pourquoi tes lèvres roses deviennent-elles plus blanches que la neige hivernale quand tu sors de chez toi le matin et quand la huitième heure d’une longue journée te réveille après une sieste nonchalante ? Il y a une raison, à coup sûr ; est-il vrai, comme le chuchote la voix publique, que tu engloutis la verge énorme d’un gars bien monté. Oui, c’est bien cela ; c’est ce que proclament les flancs épuisés du pauvre petit Victor et tes lèvres souillées de sperme. |
Catulle, Poésies, 16, 25 et 80
C.U.F., Les Belles Lettres
ed. et trad. Georges Lafaye, revue par Simone Viarre