La panacée, le médicament censé vaincre tous les maux, d’après l’audacieux Nicandre. Amis des Classiques et des simples, à vos herbiers !
Nicandre, Œuvres. Tome II : Les Thériaques. Fragments iologiques antérieurs à Nicandre. Texte établi et traduit par J.-M. Jacques. Les Belles Lettres, 2002
Je veux que tu saches préparer un remède contre tous les fléaux : voici qui sera pour toi grandement bénéfique lorsque tu auras agité toutes les drogues d’une seule et même main. Que l’aristoloche y figure, ainsi que les racines de l’iris et du nard, celles de la férule galbanifère avec celles, desséchées, du pyrèthre, celles de l’athamante aussi, qui guérit tous les maux, et de plus celles de la bryone, et, ajoutées aux autres, les molles racines de la pivoine fraîchement déterrée et les fruits de l’hellébore noire mélangés à l’écume de nitre. En outre, verse sur ces produits les graines du cumin et la pousse de l’aunée mélangées à l’enveloppe de la staphisaigre. En égale quantité, râpe les graines du laurier, la luzerne en arbre et la mousse-des-chevaux qui pousse à ras de terre et, de plus, une touffe de cyclamens. Ajoute aussi le suc du pavot luisant, et jette en vrac la semence de l’agneau-chaste, le baume et du cinnamome, en même temps que la berce branc-ursine et une tasse pleine de sel, à quoi tu mêleras de la présure et un crabe ; mais, que celle-là vienne d’un lièvre, que celui-ci pâture dans les rivières aux mille galets. Et, après avoir jeté le tout au creux d’un mortier de grande capacité, malaxe à coups de pilon de pierre. Vite, sur les produits secs, verse le jus du gratteron et pétris pour bien mélanger ; puis façonne des pastilles d’une drachme, dont la balance déterminera le poids avec précision, et avale dans deux cotyles de vin après avoir agité.
Et, du poète homérique, tu pourras à jamais garder le souvenir, de Nicandre qu’éleva la blanche bourgade de Claros.
Homère Hymnes. Texte établi et traduit par J. Humbert. 10e tirage (1936), Les Belles Lettres 2014.
Après le vol des troupeaux d’Apollon, Hermès offre au dieu de la divination la cithare et la syrinx. À Apollon désormais de sceller la réconciliation avec son jeune frère.
Ils menèrent ensemble les vaches à la prairie divine : revenant sur leurs pas, les beaux enfants de Zeus se hâtèrent d’aller vers l’Olympe neigeux, charmés par la cithare. Le prudent Zeus s’en réjouit et les amena tous deux à s’aimer. Hermès se prit à aimer le fils de Létô, et n’a pas cessé de le faire jusqu’à ce jour : la preuve en est qu’il a donné à l’Archer la lyre charmante dont il sait jouer quand il la tient sur son bras. Et lui-même inventa encore l’instrument d’un autre art : il fit la syrinx dont la voix s’entend de loin. C’est alors que le fils de Létô tint à Hermès ce langage :
« Fils de Maïa, Messager à la tête rusée, j’ai peur que tu ne me voles à la fois ma cithare et mon arc recourbé. Tu tiens de Zeus le privilège d’être pour les hommes, sur la terre nourricière, le fondateur de l’échange. Mais si tu t’engageais à me jurer le grand serment des Dieux — soit d’un signe de tête, soit sur l’eau puissante du Styx —, tous tes actes trouveraient la faveur et l’amitié de mon coeur. »
C’est alors que le fils de Maïa promit d’un signe de tête qu’il ne déroberait jamais rien de tous les biens de l’Archer, et qu’il ne rôderait jamais autour de sa forte demeure ; Apollon, fils de Létô, promit aussi de son côté, avec des sentiments d’accord et d’amitié, que parmi les Immortels, il n’aimerait personne plus que lui — que ce fût un dieu ou un homme issu de Zeus.
« Je vais, dit-il, faire de toi un dieu prophétique aux sûrs présages, entre les Immortels et entre tous les êtres ; tu seras fidèlement cher à mon coeur ; par ailleurs, je te donnerai ensuite une baguette merveilleuse d’opulence et de richesse — en or et à triple feuille : elle te protégera contre tout danger en faisant s’accomplir les décrets favorables —paroles et actes— que je déclare connaître de la bouche de Zeus. Mais la divination, dont tu me parles constamment, ami très cher, les arrêts divins ne te permettent de la connaître pas plus à toi qu’un autre Immortel : Zeus est seul à la posséder en son esprit. J’ai engagé ma parole, et juré par un serment redoutable que nul autre que moi, parmi les Dieux toujours vivants, ne connaîtrait la volonté de Zeus aux desseins profonds. Ne me demande pas, toi non plus, frère à la baguette d’or, de te révéler les arrêts divins que médite Zeus à la vaste voix. Chez les humains, je perdrai l’un en aidant l’autre, et ferai tourner à mon gré la race des hommes peu dignes d’envie. En vérité, ils tireront profit de mes oracles, et je ne les décevrai point. Mais qui, se fiant à des oiseaux menteurs, voudra, malgré ma volonté interroger l’oracle, et chercher à en savoir plus que les Dieux toujours vivants, je le déclare : il s’engage sur une vaine route, tandis que moi je recevrai sans doute ses offrandes.
« J’ai encore autre chose à te dire, fils de la glorieuse Maïa et de Zeus qui porte l’égide, Dieu bienfaisant entre tous. Il est des destinées, soeurs par la naissance, trois vierges fières de leurs ailes rapides. Une poudre brillante parsème leur tête ; elles ont leur demeure au pied des gorges du Parnasse. Sans dépendre de moi, elles m’ont appris l’art divinatoire que j’ai exercé, auprès de mes boeufs, encore enfant : mon père ne s’y opposait pas. C’est de là qu’elles prennent leur vol pour aller de tous côtés se repaître de cire, en faisant se réaliser toute chose. Quand, nourries de miel blond, elles sont saisies d’un transport prophétique, elles consentent volontiers à dire la vérité ; si, au contraire, elles sont privées du doux aliment des Dieux, elles tâchent ensuite de vous fourvoyer. Je te les concède désormais : réjouis ton coeur à les interroger sincèrement ; et si tu connais un homme mortel, il pourra écouter souvent ta voix, si le sort est pour lui. Garde donc ces privilèges, fils de Maïa, ainsi que les vaches agrestes au pas traînant ; prends soin des chevaux et des mules patientes (…) sur les lions au poil fauve, les sangliers aux défenses éclatantes, sur les chiens, les moutons que nourrit la vaste terre, sur tout le bétail (Zeus voulut bien ?) donner à Hermès un pouvoir absolu, et lui accorda d’être le seul messager accrédité auprès d’Hardés qui lui donnera — bien qu’il ne donne guère ! — un privilège qui n’est pas des moindres. »
Voilà comment, par bien des signes, le Seigneur Apollon témoigna son affection au fils de Maïa ; et le Cronide y ajouta ses faveurs. Ce Dieu se mêle à tous, mortels et Immortels : tandis que ses bienfaits sont rares, c’est sans cesse qu’il guette dans l’ombre de la nuit la race des hommes mortels.
Ainsi donc, salut à toi, fils de Zeus et de Maïa ; je penserai à toi dans mes autres chants !