Aitia – La naissance du corail (Anthologie)

Texte :

 

Ami des Classiques, tout est plein de dieux ! Qu’il s’agisse de phénomènes naturels, de rites religieux ou de toponymes, les mythes nous permettent de comprendre et d’expliquer le monde. Venez le découvrir avec les poètes de l’Antiquité ! Tous les quinze jours, Nicola Zito vous présente une “cause” différente.

Ovide, Les Métamorphoses, IV, 740-752 (trad. G. Lafaye, 1928).

Persée vient de tuer le monstre marin qui s’apprêtait à dévorer Andromède, attachée à un rocher par ordre de Jupiter.

Persée puise de l’eau dont il lave ses mains victorieuses et, craignant que le dur gravier ne blesse la tête couronnée de serpents, il étend sur le sol des feuillages moelleux, amasse une couche de tiges légères, nées sous les eaux, et y dépose la tête de Méduse, fille de Phorcys. Ces tiges récemment coupées, où une moelle spongieuse entretenait encore la vie, éprouvent aussitôt, à son contact, l’effet de la tête monstrueuse ; elles durcissent ; rameaux et feuillages prennent une rigidité jusque-là inconnue. Cependant les nymphes de la mer essaient de renouveler ce prodige sur d’autres rameaux ; charmées d’y réussir chaque fois, elles en jettent, telles qu’elles les trouvent, les semences dans les eaux ; aujourd’hui encore le corail a conservé la même propriété ; il durcit au contact de l’air et ce qui dans la mer était une branche flexible devient, quand il en sort, une pierre.

Lapidaire orphique, v. 558-574 (trad. R. Halleux – J. Schamp, 1985).

Persée vient de décapiter Méduse.

Le héros se rendit sur la rive, tout maculé de sang, pour laver dans la mer la souillure du meurtre, puis posa dans l’herbe tendre la tête de Gorgone, encore toute chaude et palpitante après la lutte. Il se rafraîchissait dans les remous de la mer au terme de sa tâche mortelle et de son long voyage, quand les taillis se gorgèrent, prenant un bain de pourpre, du sang que versait la tête sur le sol. Les brises rapides, les filles d’Océan, aussitôt s’élancèrent pour souffler sur ce sang et le faire cailler tout autour des taillis. Une fois devenu compact, on eût pensé vraiment voir de la pierre rigide. Mais l’heure n’était plus d’avoir quelque pensée : il avait en effet la rigidité d’une pierre. Il avait du végétal perdu la molle substance ; en dépit de la perte de cette substance, il n’en avait pas perdu la forme pour autant. Au sang donc le corail dut sa rouge couleur. La stupeur ferma la bouche au héros résolu, sitôt qu’il eut compris la grandeur du miracle.

Dans la même chronique