Ami des Classiques, tout est plein de dieux ! Qu’il s’agisse de phénomènes naturels, de rites religieux ou de toponymes, les mythes nous permettent de comprendre et d’expliquer le monde. Venez le découvrir avec les poètes de l’Antiquité ! Tous les quinze jours, Nicola Zito vous présente une “cause” différente.
Un des passages les plus célèbres de l’Hymne homérique à Apollon (v. 300-374) est consacré à la manière dont le dieu, à la recherche d’un lieu où fonder son oracle, tua le dragon monstrueux qui accablait de maux les habitants de Delphes ainsi que leurs troupeaux. Le lieu où le serpent mourut et se putréfia au soleil fut appelé Pytho, du verbe πύθω, faire pourrir, et Apollon reçut le nom de Pythien.
Mais pourquoi le dieu en voulait-il autant à ce monstre ? D’après le mythographe latin Hygin, ce fut à cause d’Héra. Ayant découvert que Léto, pour changer, avait été séduite par Zeus, la reine des dieux, folle de jalousie, déchaîna le serpent contre sa rivale, enceinte d’Apollon et de sa sœur Artémis, pour qu’il la tue sans pitié. Pour échapper à la poursuite de l’animal, Léto dut d’abord se transformer en louve, puis elle réussit, grâce à l’aide de Poséidon, à se cacher sur l’île de Délos, où elle donna naissance à ses enfants.
Mais Apollon ne devait pas oublier le mauvais traitement réservé à sa mère : quatre jours seulement après sa naissance – en tout cas quand il n’était encore qu’un jeune enfant – il chercha le serpent, seul ou avec sa sœur Artémis, et il le tua, que ce soit en le frappant d’une seule de ses flèches ou de cent selon les différentes versions du mythe.
C’est à cette occasion que serait né le Péan, hymne d’allégresse et de reconnaissance en l’honneur d’Apollon dont le nom est encore présent en français dans l’expression « entonner le Péan » signifiant chanter victoire. Eh oui, car les exploits du jeune dieu ne passèrent pas inaperçus : d’après le philosophe Cléarque, disciple d’Aristote, Léto, qui tenait Apollon dans ses bras, assista personnellement à l’exécution de sa vengeance (fr. 64 Wehrli), alors que chez Apollonios de Rhodes ce furent les filles du fleuve Pleistos, les Nymphes Coryciennes, ainsi nommées à cause de l’antre de Corycos, situé au nord de Delphes, dans le haut du mont Parnasse (Argonautiques 2.703-713) ; quant à Callimaque, il s’agit pour lui des habitants de Delphes, enfin délivrés du fléau qui les tourmentait (Hymnes 2.97-104). Quelle que soit la version qu’on décidera de retenir, une chose est certaine : afin d’encourager le jeune Apollon, tout le monde lui aurait crié à plusieurs reprises « ἵει, παῖ », « lance (ta flèche), enfant ! », ce qui constituera par la suite le refrain de tout Péan en bonne et due forme.
Les bons élèves auront sans aucun doute reconnu la 2e personne du singulier de l’impératif présent d’un des quatre verbes en -μι à redoublement (bien sûr, je parle de ἵημι…) ainsi que le vocatif singulier de παῖς, παιδός (il ne prend pas de -ς…). Qui a dit qu’étudier conjugaisons et déclinaisons ne servait à rien ?