Albums – Les Voyages d'Alix - Les Gladiateurs

Média :
Image : Logo_Albums
Texte :

Des chroniques sur les bandes dessinées en lien avec l'Antiquité sous la plume de Julie Gallego, agrégée de grammaire et maître de conférences de latin à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Image : Couverture de Les Voyages d'Alix - Les Gladiateurs

Les Voyages d’Alix – Les Gladiateurs
de Marco Venanzi et Éric Teyssier
(Casterman, novembre 2017).
D’après la série créée par Jacques Martin.

Cet album est le fruit de la collaboration entre Marco Venanzi, l’un des dessinateurs récents de la série Alix (créée par Jacques Martin), et Éric Teyssier, maître de conférences HDR à l’université de Nîmes et spécialiste de la gladiature. L’ouvrage comporte de courts textes richement illustrés, aussi bien par des dessins originaux – parfois en double planche – que des photographies d’objets et d’œuvres d’art (lampes, statuettes, gobelets, mosaïques, bas-reliefs, stèles, peintures murales), de monuments architecturaux tels les amphithéâtres, ou même d’acteurs prenant la pose pour simuler des combats, reconstitués grâce à l’archéologie expérimentale.

Ce « docu-album » s’intéresse notamment à l’origine de la gladiature, à son évolution et à son déclin jusqu’à sa disparition au ve s. apr. J.-C., mais aussi au déroulement des spectacles, aux lieux de vie et de travail des gladiateurs, à leurs équipements (armaturae) et aux paires qu’ils constituaient de manière assez codifiée en fonction de leurs armes offensives et défensives. On reconnaîtra ainsi (p. 20-21) le casque et les jambières thraces trouvés dans un ludus de Pompéi. C’est ce même casque célèbre à tête de griffon et gorgonéion, présent au musée du Louvre, qui a été retenu pour le cul-de-lampe sur lequel s’ouvre l’album et qui occupait déjà à lui seul la couverture du quatrième Murena de Dufaux et Delaby, La Meilleure des mères. Un chapitre s’attarde également sur la célèbre figure de Spartacus, auquel Éric Teyssier a d’ailleurs consacré un livre en 2012 (Spartacus : entre le mythe et l’Histoire, Perrin) et qui était le thème des derniers grands jeux romains de Nîmes en avril 2018 (plusieurs photographies de l’ouvrage étant d’ailleurs issues de reconstitutions qui ont eu lieu lors des précédentes éditions).

L’historien s’attache aussi à déconstruire (p. 36 et 39) quelques clichés associés par le grand public aux gladiateurs. Il rappelle ainsi que le fameux pollice verso (« pouce retourné ») ne pouvait servir à gracier un combattant – n’en déplaise au peintre Gérôme qui en a popularisé l’idée dans son tableau éponyme de 1872, à partir d’une mauvaise interprétation de Juvénal (Satires, III, 36) – mais que le peuple agitait une serviette blanche pour indiquer à l’éditeur des jeux qu’il souhaitait la missio du vaincu, c’est-à-dire le fait de le renvoyer (mittere) vivant. Éric Teyssier revient aussi sur la formule Ave Caesar morituri te salutant, qui, en dépit de ses nombreuses occurrences dans Astérix, n’est attestée qu’une seule fois, à l’occasion d’une naumachie organisée par l’empereur Claude.

Comme tous les albums de la collection des « Voyages d’Alix », ce volume peut être utilisé en classe avec des élèves, pour des recherches documentaires simples (on regrettera toutefois la présence de quelques coquilles dans l’ouvrage).

Dans cet album, vous apprendrez (p. 17) que les gladiatrices ont bien existé durant au moins deux siècles : « ces combattantes ne sont pas dotées d’un équipement spécifique mais s’affrontent entre elles sous l’armatura des provocatores ou des Thraces ». Et si l’on connaît souvent bien la paire constituée par celui qui est pourvu d’un filet (retis), le rétiaire, et celui qui le suit, le secutor (de sequi « suivre »), un combattant qui n’apparaît pourtant qu’au ier siècle apr. J.-C., certains découvriront peut-être avec étonnement l’arbelas, pourvu d’un manchon tranchant, un gladiateur qui était aussi appelé dimachaerus (emprunt au grec signifiant littéralement « qui combat avec deux épées ») ou scissor (de scindere « fendre »), une arme dont l’efficacité est parfaitement visible au centre de la couverture. Est évoquée également la figure du médecin Galien (p. 23), qui put parfaire ses connaissances médicales en soignant les gladiateurs les plus prisés (voir Galien sur le site des Belles Lettres : 8 tomes dans la CUF, et la biographie de Véronique Boudon-Millot, Galien de Pergame : un médecin grec à Rome).

Julie Gallego

Dans la même chronique