Les amis de Guillaume Budé - Les premiers cours de grec

Texte :

Cette chronique  raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ». 

La langue internationale de l’humanisme est le latin, mais les érudits s’intéressent aussi au grec et l’on trouve parmi eux des traducteurs, éditeurs et imprimeurs des textes antiques en langue grecque. Au début de l’humanisme, « la connaissance de cette langue n’était pas chose fréquente » (Introduction aux Hécatonomies, traduction latine de Lefèvre d’Étaples du texte de Platon, éditions Vrin, 1979, p. 9). C’est pourquoi il est à noter que Jacques Lefèvre d’Étaples suivit les cours de grec de Georges Hermonyme de Sparte.

Ce copiste de manuscrits grecs est le premier professeur de grec en France. Il s’est établi à Paris vers 1476 et donna des cours, notamment à Guillaume Budé et Érasme, permettant de faire connaître les textes antiques dans leur langue d’origine. Les humanistes qui suivent ses cours ne sont plus vraiment des étudiants, mais déjà des érudits : « Si Reuchlin n’a guère plus de vingt ans quand il aborde l’étude du grec sous sa direction, Guillaume Budé en a vingt-cinq, Érasme trente quand il s’y remet après une initiation brève et lointaine, Jacques Lefèvre d’Étaples trente-cinq. » (Jean Irigoin, « Georges Hermonyme de Sparte : ses manuscrits et son enseignement à Paris », in Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n° 1, mars 1977, p. 24.

Rappelons que les textes grecs étaient connus des érudits, mais uniquement à partir de traductions latines. C’est pourquoi Georges Hermonyme traduit en latin des textes grecs pour ses étudiants et pour des libraires. Il propose des manuscrits bilingues avec le texte en grec dans une colonne et celui en latin dans l’autre.

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Ce superbe manuscrit est le lectionnaire du cardinal de Bourbon. Il s’agit d’un manuscrit bilingue copié par Georges Hermonyme. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica

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Pages suivantes du lectionnaire permettant de voir les deux colonnes de texte. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.

En outre, « Hermonyme fournit à ses élèves les instruments de travail indispensables en transcrivant lui-même des grammaires, notamment celle de Théodore Gaza, dont quatre exemplaires nous sont parvenus, des exercices d'application, comme les Erotemata de Manuel Moschopoulos, et enfin des lexiques grec-latins. » (Ibid., p. 25.)

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Pages de la grammaire de Théodore Gaza. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.

 

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Pages des Erotemata de Manuel Moschopoulos. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.

Revenons aux manuscrits bilingues de Georges Hermonyme. Certains ont appartenus à Guillaume Budé, notamment ceux contenant les œuvres de Thucydide et Démosthène.

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Pages du manuscrit, contenant les œuvres de Thucydide et Démosthène, copié par Georges Hermonyme et ayant appartenu à Guillaume Budé. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.

« Un autre manuscrit, copié pour un secrétaire du roi très chrétien (le nom a été effacé), est probablement le jumeau de celui dont Budé s'est servi pour établir les premières traductions du grec qu'il ait publiées : le livre imprimé en 1505 par Josse Bade, avec une lettre-préface de Lefèvre d'Étaples, offre exactement le même contenu que ce volume, soit trois traités de Plutarque (La tranquillité de l'âme, La fortune des Romains, La fortune d'Alexandre) et la lettre de saint Basile à saint Grégoire de Nazianze sur la vie solitaire. » (Ibid., p. 26.) 

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Pages du manuscrit « jumeau de celui dont Budé s'est servi pour établir les premières traductions du grec qu'il ait publiées ». Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.

Le philologue Jean Irigoin considère que Hermonyme « a révélé le grec – et je donne au verbe son sens le plus fort : ceux qui ont eu à travers lui la révélation de ce qu'est la poésie ou la pensée grecque – » à Jacques Lefèvre d’Étaples, sur lequel « il a exercé une influence certaine » (Ibid., p. 27). Cette influence se voit notamment dans l’étude des mathématiques à laquelle se consacra Lefèvre sur les conseils d’Hermonyme.

La prochaine chronique sera consacrée au travail de Lefèvre d’Étaples sur la prononciation du latin. « Pour profiter à tous, de quelque condition que soient. »

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