L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.
L'adaptation vidéo du Couronnement de Poppée par l'écrivain Jonathan Littell fournit un bon exemple de la distorsion des textes classiques, peut-être nécessaire à l'opéra.
Le librettiste de Monteverdi, Busenello, avait composé son livret à partir de quelques lignes de Tacite, où il est dit que Néron fut l'« esclave » de sa maîtresse Poppée, elle-même le jouet involontaire des ennemis d'Agrippine, mère de Néron. À l'inverse du développement baroque, l'adaptation vidéo de Jonathan Littell réduit drastiquement la dramaturgie à un huis clos allégorique de la perversité de Néron. L'écrivain a pleinement assumé d'opérer des « coupes sèches » par le dé-montage des aria et un travail de friction sonore dû au compositeur contemporain Hèctor Parra. Ce qui est soustrait ou malmené dans la musique aurait pu alors resurgir transformé à l'image, au risque d'une dissociation entre théâtre filmé et théâtre chanté. La décadence de Néron transposée dans le fétichisme des corps et des images est sûrement juste, mais il est possible alors que le chant ne soit plus que la voix-offd'une vidéo qui, en l'occurrence, lui fait écran.
Jean Tain
Le Couronnement (septembre 2019), d'après Le Couronnement de Poppée de Monteverdi,réalisé par Jonathan Littell. Avec les acteurs Romain Brau, Marie Piot, Natalia Giro, Céline Aieta, Sylvain Hélaine. Produit par « La 3e Scène » (Opéra National de Paris), avec des extraits sonore de « FREC-3 » d'Hèctor Parra (2017).
Vidéo disponible à cette adresse :https://www.operadeparis.fr › 3e-scene › le-couronnement
Ainsi qu'une interview de Jonathan Littel à ce propos : https://www.youtube.com/watch?v=Nms-ZL-GmhI
Tacite, Annales, Livre XIV : https://www.lesbelleslettres.com/livre/65-annales-tome-iv-livres-xiii-xvi