L’antiquité dont vous êtes le héros – Les unités militaires et leurs caractéristiques

Texte :

De quelle façon le monde virtuel interprète-t-il les connaissances que nous avons de l’Antiquité ? Comment, au travers des « gameplay » et des scénarios de fiction vidéo-ludique, le joueur s’imprègne-t-il des sociétés antiques au cœur desquelles l’action du jeu-vidéo le situe ? Souvent entre réalité historique et imaginaire fantasmé, Nicolas Ben Mustapha, étudiant-chercheur diplômé en histoire ancienne, nous invite à nous plonger dans ces mondes reconstitués.

Les effets visuels et l’expérience de jeu sont au rendez-vous sur le champ de bataille, mais quid des caractéristiques des unités déployées sur celui-ci ? Un légionnaire romain, à titre d’exemple, ne saurait être confondu avec un auxiliaire germain: rassurez-vous, les développeurs ont pensé aux moindres détails afin de favoriser une expérience de jeu toujours plus profonde et plus saisissante.

Si réalisme et expérience de jeu peuvent être antinomiques, on ne saurait se saisir ici, ni de l’un ni de l’autre, sans s’attarder sur les caractéristiques des unités que l’on dirige dans Les wargames. En effet, la recette miraculeuse de l’intérêt que représentent les jeux de guerre provient entre autres choses des composantes des héros et personnages que le joueur incarne, lesquelles détermineront ses capacités, possibilités de manœuvre, forces et faiblesses sur le champ de bataille. Outre le souci de la fluidité de l’action, c’est également une façon de rendre plus réelle le gameplay. Il serait incohérent de voir des lanciers thraces former la « tortue » romaine ou de donner des scores d’armure et de défense élevées à des unités légères telles que les archers daces.

Ainsi, chaque wargame propose différentes interfaces en cours de jeu permettant de s’informer des capacités de chaque unité déployée sur le terrain, en temps réel (sur le champ de bataille ou lors des phases de gestion de la cité) : fiche de personnage, conseils militaire, ordre de faction. Le joueur est invité à prendre connaissance de la nature même de chaque contingent militaire afin de définir au mieux sa stratégie dans les combats à venir. Nom de l’unité, catégorie et classe de celle-ci (est-ce une unité d’infanterie, de cavalerie d’artillerie, est-elle lourde ou légère ?), coût d’entretien, dégâts qu’elle inflige, score d’armure, score de santé, niveau du moral etc.

Image :

https://www.creative-assembly.com/

Image :

https://www.creative-assembly.com/

Prenons à nouveau l’exemple du légionnaire romain. Le légionnaire offre une protection contre les tirs mais est limité dans sa vitesse — ce qui semble réaliste au vu de son équipement militaire : casque, bouclier, cuirasse — aussi, parmi ses compétences figurent une grande discipline (l’unité ne subit pas de pénalité de moral lorsque le général meurt) et la possibilité de mener des attaques en formation (l’organisation et la discipline dans les rangs de la légion romaine en font sa force). Par ailleurs ses forces comptent son score d’attaque élevé, son bon moral et une défense relativement correcte. À l’inverse, l’unité de guerriers Suèves (peuple germain) est décrite dans l’interface de jeu comme une unité d’attaque moyenne, au mauvais moral et à la faible défense (imaginez un guerrier germain dont le seul appareil est un pantalon cousu, une massue grossière et un bouclier rond). Cependant, cette unité décrite comme lâche car n’ayant pas la discipline des légionnaires romains, sera plus habile en terrain forestier ou dans des environnements hostiles (cartes enneigées, massifs montagneux) et jouit de la capacité de se cacher dans les sous-bois et de prendre par surprise l’ennemi (tactique qui coûta la vie au général Varus et à ses légions à Teutobourg en 9 ap. J.-C.). On reconnaît ici l’idée du barbare habitué au vaste couvert forestier de Germanie. C’est là une erreur récurrente que de reporter dans ces mondes virtuels les représentations qui sont celles de notre imaginaire collectif (tous deux se nourrissent mutuellement) lequel reste largement influencé par une historiographie qui fait la part belle aux idées reçues.

Ce sont ces éléments stratégiques essentiels ­— attributs, compétences, statistiques — qui rendent l’expérience de jeu la plus intense possible et font le succès des wargames et des jeux de stratégie en temps réel.

Nicolas Ben Mustapha.

Bibliographie

LE BOHEC Y., La guerre romaine : 58 avant J.-C.-235 après J.-C., Paris, Tallandier, 2015.

Vidéothèque

Stratégie tour par tour 

Centurion: Defender of Rome : Electronic Arts, 1990, jeu en solo.

Stratégie en temps réel

Imperator: Rome: Paradox Interactive, 2019, jeu en solo.

Against Rome : JoWood Productions, 2004, jeu en multi-joueurs.

Age of Empires: The Rise of Rome: Microsoft, 1998, jeu en multi-joueurs.

Celtic Kings: Rage of War: Strategy First, 2002, jeu en multi-joueurs.

Celtic Kings: The Punic Wars: Haemimont Games, 2004, jeu en multi-joueurs.

Empire Earth: The Art of Conquest: Sierra Entertainment, 2002, jeu en multi-joueurs.

Europa Universalis: Rome: Paradox Interactive, 2002, jeu en multi-joueurs.

Praetorians: Eidos Interactive, 2003, jeu en multi-joueurs.

Rome: Total War: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.

Rome: Total War - Barbarian Invasion: Activision, 2004, jeu en multi-joueurs.

Total War :Attila: Sega, 2015, jeu en multi-joueurs.

Total War: Rome II: Sega, 2011, jeu en multi-joueurs.

III - Wargame

Ancient Battles: Cases Computer Simulations, 1991, jeu en solo.

Cohort: Impressions Games, 1991, jeu en solo.

Cohort 2: Impressions Games, 1993, jeu en solo.

Great Battles of Caesar: Interactive Magic, 1998, jeu en multi-joueurs.

Great Battle of Hannibal: Interactive Magic, 1997, jeu en multi-joueurs

Warrior of Rome:  Micronet, 1991, jeu en multi-joueurs.

Warrior of Rome II: Micronet, 1992, jeu en multi-joueurs.