La Périégèse de Pausanias se présente comme un vaste recueil de légendes, de récits historiques, d’exposés géographiques et de descriptions de monuments vus par l’auteur, ce qui en fait un premier guide touristique de l’Histoire, moins austère que ceux de Baedeker mais plus renseigné que nombre de guides d’aujourd’hui. Nous vous invitons chaque mois à une visite de vestiges actuels « Pausanias en main », avec des éclaircissements nécessaires pour se représenter convenablement les lieux et leur place dans la civilisation grecque.
Sur l’agora d’Athènes (cf. plan ci-dessous), en face des ruines du Métrôon, de l’autre côté du tracé de l’égout en partie à ciel découvert aujourd’hui, se trouvent des vestiges qui peuvent surprendre le visiteur, même habitué à fréquenter des sites archéologiques.
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On distingue nettement les restes d’une sorte de balustrade qui circonscrivait un enclos rectangulaire d’environ 16 m de long et dont le tracé est bien délimité par l’aménagement du site, même si un segment rectiligne seulement de celle-ci a été reconstitué. Elle était constituée de balustres en pierre reliés par trois morceaux de bois horizontaux, dont les encoches dans la pierre sont bien visibles, et surmontés d’une tablette à arête triangulaire.
Crédit photo : D. Flores
Au centre de cet enclos était disposé un alignement d’épais piliers carrés de maçonnerie, dont deux sont reconstitués à l’extrémité sud, qui servaient de soubassements à un long piédestal sur lequel se dressaient des statues en bronze.
Crédit photo : D. Flores
Les dalles de marbre, dont deux fragments sont aujourd’hui posés sur les piliers, comportent en effet des marques creusées caractéristiques dans lesquelles s’inséraient des pieds de statues et, pour l’une d’elle, un trépied. Il faut toutefois se représenter que ces dalles formaient originellement un socle continu qui constituait la base des statues et se trouvait donc à un niveau plus élevé, pour surplomber la limite supérieure de la balustrade, comme le montre parfaitement la reconstitution ci-dessous.
Maquette du Monument des héros éponymes, seconde moitié du IVe siècle avant J.-C.,
avant l'ajout de nouveaux héros tribaux.
© John McK. Camp II, The Athenian Agora - Site guide, Athènes, 2015 (1re éd. 2010), p. 66
Pausanias a donné une description précise de ce monument singulier lors de son parcours sur l’agora – qu’il inclut dans « le Céramique » – au début du premier livre de sa Périégèse. Voici ce qu’il écrit après avoir parlé de la Tholos (c’est par rapport à celle-ci que se comprend l’adverbe ἀνωτέρω au début de l’extrait qui suit) :
Ἀνωτέρω δὲ ἀνδριάντες ἑστήκασιν ἡρώων, ἀφ’ ὧν Ἀθηναίοις ὕστερον τὰ ὀνόματα ἔσχον αἱ φυλαί · ὅστις δὲ κατεστήσατο δέκα ἀντὶ τεσσάρων φυλὰς εἶναι καὶ μετέθετό σφισι τὰ ὀνόματα ἀντὶ τῶν ἀρχαίων, Ἡροδότῳ καὶ ταῦτά ἐστιν εἰρημένα. Τῶν δὲ ἐπωνύμων – καλοῦσι γὰρ οὕτω σφᾶς – ἔστι μὲν Ἱπποθόων Ποσειδῶνος καὶ Ἀλόπης θυγατρὸς Κερκυόνος, ἔστι δὲ Ἀντίοχος τῶν παίδων τῶν Ἡρακλέους, γενόμενος ἐκ Μήδας Ἡρακλεῖ τῆς Φύλαντος, καὶ τρίτος Αἴας ὁ Τελαμῶνος, ἐκ δὲ Ἀθηναίων Λεώς · δοῦναι δὲ ἐπὶ σωτηρίᾳ λέγεται κοινῇ τὰς θυγατέρας τοῦ θεοῦ χρήσαντος. Ἐρεχθεύς τέ ἐστιν ἐν τοῖς ἐπωνύμοις, ὃς ἐνίκησεν Ἐλευσινίους μάχῃ καὶ τὸν ἡγούμενον ἀπέκτεινεν Ἰμμάραδον τὸν Εὐμόλπου · Αἰγεύς τέ ἐστι καὶ Οἰνεὺς Πανδίονος υἱὸς νόθος καὶ τῶν Θησέως παίδων Ἀκάμας. Κέκροπα δὲ καὶ Πανδίονα – εἶδον γὰρ καὶ τούτων ἐν τοῖς ἐπωνύμοις εἰκόνας – οὐκ οἶδα οὓς ἄγουσιν ἐν τιμῇ.
« Plus haut se dressent les statues des héros à partir desquels plus tard les tribus des Athéniens tinrent leurs noms ; qui a établi dix tribus au lieu de quatre et a changé leurs noms en remplacement des anciens, voilà aussi ce qu’a dit Hérodote. Au nombre des éponymes – c’est en effet ainsi qu’on les appelle –, il y a Hippothoon, fils de Poséidon et d’Alopé fille de Cercyon, il y a Antiochos, qui fait partie des enfants d’Héraclès et lui est né de Méda fille de Phylas, et en troisième Ajax fils de Télamon, puis, d’origine athénienne, Léos – on dit que, sur un oracle du dieu, il donna ses filles pour le salut commun. Érechthée figure parmi les éponymes, qui remporta la victoire militaire sur les Éleusiniens et tua leur chef Immarados fils d’Eumolpe ; il y a Égée, Œnée, un fils bâtard de Pandion, et, parmi les fils de Thésée, Acamas. Quant à Cécrops et Pandion – car j’ai vu aussi les statues de ces derniers parmi celles des éponymes –, je ne sais quels sont ceux que [les Athéniens] tiennent en honneur. »
Description de la Grèce, I, v, 1-3[1]
Compte tenu de l’identité des personnages représentés par les statues qui surmontaient le piédestal, on appelle donc cet enclos le « monument des héros éponymes », reprenant l’adjectif qui permettait de signifier que chacune des dix tribus entre lesquelles étaient répartis les habitants de l’État athénien – c’est-à-dire de l’Attique – tirait son nom d’un personnage qui en était en quelque sorte le patron tutélaire – mais non, précisons-le d’emblée, l’ancêtre mythique.
Contrairement à la façon dont il procède en d’autres endroits, Pausanias ne raconte pas ici, mais se contente de l’évoquer de façon allusive, la réforme qui modifia le nombre des tribus de l’Attique, peut-être parce qu’il juge l’épisode bien connu de ses lecteurs et que le récit en avait été fait par un illustre prédécesseur auquel il peut dès lors renvoyer. De fait, Hérodote fait de la nouvelle répartition en dix tribus l’un des points essentiels des réformes menées par l’Athénien Clisthène en 508/507 av. J.-C. :
Μετὰ δὲ τετραφύλους ἐόντας Ἀθηναίους δεκαφύλους ἐποίησε, τῶν Ἴωνος παίδων Γελέοντος καὶ Αἰγικόρεος καὶ Ἀργάδεω καὶ Ὅπλητος ἀπαλλάξας τὰς ἐπωνυμίας, ἐξευρὼν δὲ ἑτέρων ἡρώων ἐπωνυμίας ἐπιχωρίων, πάρεξ Αἴαντος · τοῦτον δέ, ἅτε ἀστυγείτονα καὶ σύμμαχον, ξεῖνον ἐόντα προσέθετο. |
« Puis [Clisthène] répartit en dix tribus les Athéniens qui étaient groupés en quatre ; il écarta les noms éponymes des enfants d’Ion – Géléon, Ægicoreus, Argadès et Hoplès – et en inventa qui étaient éponymes d’autres héros locaux – à l’exception d’Ajax, mais il ajouta ce nom, quoiqu’il fût un étranger, parce qu’il était un voisin et un allié. » |
Enquête, V, 66
La mise en regard des deux extraits s’avère intéressante dans la mesure où l’un, Pausanias, énumère les noms des dix tribus nouvelles – qui ne l’étaient plus depuis longtemps à son époque –, tandis que l’autre, Hérodote, s’intéresse aux anciennes, au nom desquelles il attribue une origine mythique : Ion était en effet l’ancêtre légendaire de la race ionienne, présenté selon les sources comme fils d’Apollon ou comme arrière-petit-fils de Deucalion, mais ayant invariablement pour mère Créuse, une fille du roi d’Athènes Érechthée. Plutarque apporte une justification étiologique différente du nom de ces quatre tribus primitives, leur attribuant une origine sociologique :
Καὶ τὰς φυλὰς εἰσὶν οἱ λέγοντες οὐκ ἀπὸ τῶν ῎Ιωνος υἱῶν, ἀλλ’ ἀπὸ τῶν γενῶν εἰς ἃ διῃρέθησαν οἱ βίοι τὸ πρῶτον ὠνομάσθαι, τὸ μὲν μάχιμον ῞Οπλητας, τὸ δ’ ἐργατικὸν ᾿Αργαδεῖς, δυεῖν δὲ τῶν λοιπῶν Γελέοντας μὲν τοὺς γεωργούς, Αἰγικορεῖς δὲ τοὺς ἐπὶ νομαῖς καὶ προβατείαις διατρίβοντας. |
« Et certains disent que ce n’est pas des fils d’Ion, mais des classes en lesquelles les modes de vie avaient été répartis que les tribus reçurent d’abord leurs noms : la classe qui faisait la guerre [donna le nom] d’Hoplètes, celle qui travaillait [le nom] d’Argades, et, parmi les deux restantes, les Gélontes étaient les cultivateurs et les Aigicores ceux qui s’occupaient des pâtures et des bêtes. » |
Vie de Solon, XXIII, 5
Dans le cas de trois tribus, les propos de Plutarque reposent sur des interprétations étymologiques limpides : ῞Οπλητες est construit sur le radical ὅπλ- de l’ « arme » ; ᾿Αργαδεῖς présente, avec un vocalisme radical différent, le radical ἐργ- présent dans τὸ ἔργον et le verbe ἐργάζομαι, « travailler, façonner, réaliser » ; quant à Αἰγικορεῖς, il est composé du radical du nom de la « chèvre » (αἰγ-) et de celui qui figure dans le substantif ὁ κόρος, « satiété », et dans le verbe κορέννυμι, « rassasier ». Le cas de Γελέοντες est plus difficile : l’identification de Plutarque semble impliquer la présence du radical de la « terre », γῆ ; certains commentateurs rapprochent encore le nom de la tribu d’un verbe γελεῖν, « être brillant, éclatant », attesté par une glose lexicale : cette tribu rassemblerait donc, plutôt que les « cultivateurs », les familles nobles, les propriétaires terriens désignés métaphoriquement par leur « éclat », leur « lustre ». Quoi qu’il en soit, il est intéressant de constater que l’origine des tribus serait à trouver dans les classes spécifiques composant originellement le corps social.
Mais revenons à Pausanias et aux dix « héros » qui donnèrent leurs noms aux tribus nouvellement organisées par Clisthène à la fin du VIe s. av. J.-C. Il est frappant et curieux de constater qu’au sein de cette liste voisinent des personnages de premier plan dans les récits mythiques – deux grands rois de la dynastie légendaire d’Athènes, Égée et Érechthée, ainsi qu’Ajax – et d’autres peu connus, d’où la nécessité qu’éprouve l’auteur de préciser – comme pour justifier leur présence – la filiation de quatre d’entre eux : Hyppothoon, Antiochos, Œnée et Acamas ; à défaut de filiation, la précision parenthétique qui accompagne le nom de Léos semble toutefois également destinée à expliquer ce qui lui valut de figurer parmi les « héros ». Le cas est un peu différent pour Ajax, dont le patronyme ne vise pas à le rattacher à un père célèbre mais à le distinguer de son homonyme Ajax, fils d’Oïlée et roi de Locride ; à son propos, il est toutefois amusant de remarquer que le syntagme ἐκ Ἀθηναίων qui accompagne le nom suivant dans la liste souligne rétrospectivement que cet Ajax n’était pas Athénien – il s’agit du roi de Salamine de l’époque de la guerre de Troie –, ce qui pourrait paraître inapproprié pour patronner une tribu de cette cité. Enfin, les deux derniers soulèvent un autre type de problème dans la mesure où leurs noms ont été portés par plusieurs rois d’Athènes. C’est pourquoi l’extrait se poursuit par un examen de cette question (I, v, 3) :
Πρότερός τε γὰρ ἦρξε Κέκροψ, ὃς τὴν Ἀκταίου θυγατέρα ἔσχε, καὶ ὕστερος, ὃς δὴ καὶ μετῴκησεν ἐς Εὔβοιαν, Ἐρεχθέως υἱὸς τοῦ Πανδίονος τοῦ Ἐριχθονίου. Καὶ δὴ καὶ Πανδίων ἐβασίλευσεν ὅ τε Ἐριχθονίου καὶ ὁ Κέκροπος τοῦ δευτέρου. |
« Le premier Cécrops à régner fut celui qui épousa la fille d’Actée, et le suivant celui qui précisément émigra en Eubée, le fils d’Érechthée fils de Pandion fils d’Érichthonios. De même également un Pandion fut roi qui était le fils d’Érichthonios, et [un autre qui était] fils du second Cécrops. » |
NB. L’ « ancien Cécrops » fut le premier roi d’Athènes, qui selon certaines légendes régnait lors de la querelle entre Athéna et Poséidon. Les autres personnages appartiennent à la dynastie issue d’Érichthonios, né de la semence d’Héphaïstos tombée sur le sol et élevé par Athéna avant qu’il ne devînt roi. Pour aider à se représenter visuellement les liens entre les personnages évoqués, voici l’arbre généalogique élaboré dans F. Robert, La mythologie gréco-romaine en clair, Paris, 2016, p. 90 : |
Comment expliquer la composition de cette liste, qui comportait des personnages de notoriété variée et des incertitudes aussi étonnantes ? Car les doutes exprimés par Pausanias, qui ne manque jamais de prendre des renseignements auprès des érudits locaux, reflètent sans nul doute ceux des Athéniens de son époque. Une précision transmise par le Pseudo-Aristote concernant le mode de désignation de ces héros éponymes aide à comprendre la situation :
Ταῖς δὲ φύλαις ἐποίησεν ἐπωνυμοὺς ἐκ τῶν προκριθέντων ἑκατὸν ἀρχηγετῶν, οὓς ἀνεῖλεν ἡ Πυθία δέκα. |
« Aux tribus, [Clisthène] donna comme noms, sur les cent qui avaient été présélectionnés, les dix choisis par la Pythie. » |
Constitution d’Athènes, XXI, 6
Le choix des personnages tutélaires des dix nouvelles tribus comporta donc une part d’aléatoire et ne consistait pas en une sélection réfléchie des personnages les plus en vue de l’histoire locale. Cette façon de procéder révèle qu’il n’y avait pas, de la part de Clisthène, de volonté proprement honorifique dans cette réorganisation du corps social athénien, mais sans doute une motivation politique et stratégique sur laquelle il convient de s’interroger.
Après avoir mentionné la réforme du nombre de tribus par Clisthène, Hérodote fait une digression pour établir une analogie entre l’action de celui-ci et celle de son grand-père maternel, Clisthène tyran de Sicyone. L’historien en conclut ensuite que c’est « par mépris pour les Ioniens » (ὑπεριδὼν Ἴωνας, V, 69) que l’Athénien aurait procédé à cette réorganisation. Ainsi formulée, la motivation peut sembler violente, mais une recontextualisation de cette réforme permet de prendre la véritable mesure de sa portée symbolique. De fait, Hérodote écrit aussitôt après, comme en manière d’explicitation du participe ὑπεριδών, que Clisthène agissait ainsi « afin que [les Athéniens] n’aient pas les mêmes tribus que les Ioniens » (ἵνα μὴ σφίσι αἱ αὐταὶ ἔωσι φυλαὶ καὶ Ἴωσι, ibid.). Autrement dit, la réforme n’était pas motivée par une haine ethnique pour les Ioniens – qui composaient une partie de la population athénienne – mais plutôt par une volonté de rompre avec le passé, d’insuffler un nouveau point de départ à l’histoire de la cité, lequel allait de pair avec le changement de régime politique dont cette réforme participait (instauration de l’isonomie). Et un détail de la suite permet de mieux comprendre encore cette démarche : δέκαχα δὲ καὶ τοὺς δήμους κατένειμε ἐς τὰς φυλάς, « Il répartit également en dix les dèmes dans les tribus. » (ibid.) Ainsi, Clisthène ne modifia pas les autres échelons de l’organisation civique que sont les dèmes – ni par ailleurs les phratries. Dans une cité qui résultait d’un mélange de population (cf. par exemple Hérodote I, 56-57 et V, 57), l’instigateur de l’isonomie voulait donc mettre fin à la domination symbolique d’un groupe ethnique et, en brisant les anciennes solidarités qui avaient pu se constituer en castes, instaurer ainsi l’égalité entre tous en créant des cadres nouveaux qui obligeaient à tisser de nouvelles relations, aplanies et faisant table rase du passé, au sein du corps social. C’est bien pour cette raison que chaque tribu réunit désormais des ensembles de dèmes qui n’étaient pas contigus sur le plan spatial mais se répartissaient en trois groupes – les trittyes –, l’un de la zone urbaine, l’autre du littoral, le dernier de l’intérieur des terres. Sa démarche visait donc à éviter la continuité de groupes de solidarités fondés sur des intérêts communs géographiques ou familiaux, qui coïncidaient le plus souvent avec des intérêts de classe.
Dès lors, l’érection sur l’agora, cœur civique de la cité, d’un monument qui incarnait et sanctifiait ces nouvelles entités organisationnelles acquérait une haute valeur symbolique : il s'agissait en effet, d’une façon officielle tout autant que solennelle, tout à la fois d’entériner l’existence de ces regroupements identitaires et de célébrer l’unité du corps civique athénien.
On ne sait pas à quelle date précise un tel monument fut construit pour la première fois. Par diverses allusions dans la littérature, on comprend du moins qu’il devait en exister un dans le troisième tiers du Ve siècle, mais probablement pas à l’emplacement actuellement visible, où les matériaux découverts permettent de supposer une construction vers le milieu du IVe siècle.
Outre cette portée symbolique dont était investi le monument, il faut encore signaler une fonction éminemment pratique, que la reconstitution suivante permet d’appréhender :
Dessin du Monument des héros éponymes restauré, seconde moitié du IVe siècle avant J.-C.,
avant l'ajout de nouveaux héros tribaux.
© John McK. Camp II, The Athenian Agora - Site guide, Athènes, 2015 (1re éd. 2010), p. 67
La base servait en effet de lieu d’affichage public. Des panneaux de bois, accrochés sous chaque statue, portaient des informations relatives à l’actualité de chaque tribu : par exemple les dates des prochaines assemblées politiques et judiciaires – à l’échelon local – et des prochaines fêtes religieuses, la liste des citoyens appelés à la conscription militaire, les décrets proposés par les instances locales au vote de l’Assemblée, ou encore la liste des citoyens qui se voyaient accorder des distinctions honorifiques.
Enfin, signalons que ce monument a connu plusieurs remaniements au fil des siècles, au gré de la constitution de nouvelles tribus, destinées quant à elles – contrairement aux tribus clisthéniennes – à mettre à l’honneur un personnage politique ou militaire contemporain. C’est par cette précision que s’achève l’exposé de Pausanias :
Οἵδε μέν εἰσιν Ἀθηναίοις ἐπώνυμοι τῶν ἀρχαίων · ὕστερον δὲ καὶ ἀπὸ τῶνδε φυλὰς ἔχουσιν, Ἀττάλου τοῦ Μυσοῦ καὶ Πτολεμαίου τοῦ Αἰγυπτίου καὶ κατ’ ἐμὲ ἤδη βασιλέως Ἀδριανοῦ τῆς τε ἐς τὸ θεῖον τιμῆς ἐπὶ πλεῖστον ἐλθόντος καὶ τῶν ἀρχομένων ἐς εὐδαιμονίαν τὰ μέγιστα ἑκάστοις παρασχομένου. |
« Tels sont les éponymes anciens des Athéniens, mais plus tard ils eurent des tribus [nommées] également à partir des gens que voici : Attale le Mysien et Ptolémée l’Égyptien, et de mon temps désormais l’empereur Hadrien, pour avoir accédé au plus haut degré de vénération envers le divin et avoir procuré à chacun de ses sujets les plus grandes perspectives de bonheur. » |
Description de la Grèce, I, v, 5
Les faire éponymes d’une nouvelle tribu était pour les Athéniens une façon d’exprimer leur gratitude envers trois souverains étrangers – un roi de Pergame, un monarque égyptien et un empereur romain – considérés comme des bienfaiteurs de la cité. Ainsi avaient-ils trouvé une manière symbolique de les intégrer de façon pérenne au corps des citoyens d’Athènes.
« La Grèce comptait sur nous pour être ses gardiens, puisque enfin nous nous prétendons ses maîtres.
Je me promis de veiller sur le dieu désarmé. »
(Yourcenar, Mémoires d’Hadrien)
Fabrice Robert et Dorian Flores
[1] Sauf mention contraire, l’édition utilisée est celle de la C.U.F. (ed. Les Belles Lettres) et la traduction de Fabrice Robert.