Chaque jour, un nouveau mythe à dévorer dans votre calendrier de l'avent mythologique ! Retrouvez-les tous dans la Bibliothèque mythologique idéale ! Par Laure de Chantal
Au mythe d’Aristophane, à l’amour selon les poètes, Platon oppose ce que les philosophes ont cru comprendre, ou apprendre, de la bouche de Diotime de Mantinée. Il faut d’abord admettre que l’amour est un dieu. Il appartient au mythe de faire saisir le reste. Loin de nous ramener à nous-même, l’amour est avant tout un intermédiaire, comme l’attestent sa naissance et son existence, faite de recherche et d’errance. L’amour nous conduit vers ce qui n’est pas nous, et, péniblement peut-être, vers ce qu’il y a de divin dans toute découverte. Au-delà de cette compréhension classique du mythe, on peut lire, plus bas, les interprétations de Plotin et de Proclus.
Le jour où naquit Aphrodite, les dieux étaient au festin. Avec eux tous il y avait le fils de Mètis, Poros. Après le dîner, Pénia était venue mendier, ce qui est naturel un jour de bombance, et elle se tenait près de la porte. Poros qui s’était enivré de nectar (car le vin n’existait pas encore) entra dans le jardin de Zeus, et tout alourdi s’endormit. Pénia, dans sa pénurie, eut l’idée d’avoir un enfant de Poros : elle se coucha près de lui, et fut enceinte de l’Amour. Voilà pourquoi l’Amour est devenu le compagnon d’Aphrodite et son serviteur ; engendré lors des fêtes de la naissance de celle-ci, il est naturellement amoureux du beau – et Aphrodite est belle. Étant donc fils de Poros et de Pénia, l’Amour se trouve dans la condition que voici : d’abord, il est toujours pauvre, et loin d’être délicat et beau comme le croient la plupart, il est rude au contraire, il est dur, il va pieds nus, il est sans gîte, il couche toujours par terre, sur la dure, il dort à la belle étoile près des portes et sur les chemins, car il tient de sa mère, et le besoin l’accompagne toujours.
D’autre part, à l’exemple de son père, il est à l’affût de ce qui est beau et de ce qui est bon, il est viril, résolu, ardent, c’est un chasseur de premier ordre, il ne cesse d’inventer des ruses ; il est désireux du savoir et sait trouver les passages qui y mènent, il emploie à philosopher tout le temps de sa vie, il est merveilleux sorcier, et magicien, et sophiste. Ajoutons qu’il n’est, par nature, ni immortel ni mortel. Dans la même journée tantôt il fleurit et il vit, tantôt il meurt ; puis il revit quand passent en lui les ressources qu’il doit à la nature de son père mais ce qui passe en lui sans cesse lui échappe ; aussi l’Amour n’est-il jamais ni dans l’indigence ni dans l’opulence.
Le Banquet, 201d-203e