L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.
Un riche mécène demande que l'opera seria (sérieux) et la commedia dell'arte soient joués en même temps pour un dîner d'apparat. Outré, le jeune compositeur avait pourtant choisi un « symbole de la solitude humaine », chanté déjà par Catulle, puis Ovide dans les Héroïdes : Ariane abandonnée sur l'île de Naxos par Thésée, en dépit de sa promesse.
Mais il faut composer avec les arlequins. La galanterie s'invite dans l'élégie, l'opéra dans l'opéra crée de savoureux double sens. En clin d'oeil à Ovide, le livret est ponctué par d'ironiques métamorphoses. « Tout devient tout » pour la diva-Ariane, vexée par ce mélange des genres. Zerbinetta lui chante en retour les divines « transformations » de l'amour, qu'Ariane connaîtra avec la visite du « magicien » Bacchus.
Strauss et Hofmannsthal se sont plu à faire jouer ensemble le mythe grec, la fête galante, et l'opéra viennois. La lumineuse mise en scène de Laurent Pelly les métamorphose à nouveau dans un cadre contemporain, sans perdre le fil...
J.T.
Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, Ariadne auf Naxos (1916). Créé en 2003 à l'Opéra Garnier. Avec une mise en scène de Laurent Pelly. À retrouver en vidéo complète, ainsi que toutes les informations sur la production de cette année à l'Opéra Bastille.
Catulle, Poésies, Les Belles Lettres, Classiques en poche, 2015.
Ovide, Héroïdes, Les Belles Lettres, CUF, 2002 (1928).