Plantages, intuitions malheureuses et autres fausses bonnes idées de nos illustres ancêtres.
Léiodès prétend qu’il a vu des voiles dans le port ce matin.
Pourtant, aujourd’hui encore, Ithaque est tranquille. Pas de manifestations de joie, pas d’exclamations populaires, pas de sacrifice à Athéna pour fêter le retour du roi. « Rien, tu vois ! » Antinoos montre la rue à son lieutenant. « Tout est à sa place. Il y a juste ce mendiant recouvert de haillons, qui titube d’une façade à l’autre. Pas de trace d’Ulysse, en tout cas. »
Vingt ans que le mari de Pénélope est parti. Chacun sait qu’il ne reviendra pas, mais les habitants de l’île continuent de faire comme si. Antinoos enrage. « Un jour, tout ça sera à moi ! » Tout, y compris la reine. Léiodès hoche prudemment la tête.
Le mendiant s’approche du palais. Il est accompagné d’Argos, le chien d’Ulysse, dont la pelure, râpée et sale, fait peine à voir. Tous deux marchent avec difficulté.
Antinoos étouffe un petit rire. « Regarde-les. Non mais regarde dans quel état est cette île ! Il est grand temps que quelqu’un reprenne les commandes. »
Léiodès se gratte la tempe. « Méfie-toi, quand même. Le visage de ce mendiant me dit quelque chose. Et le chien a l’air de le connaître. »
Quelques heures plus tard
C’était une très mauvaise idée de laisser entrer le vieillard dans le palais. Dans la salle du banquet, où se rassemblent les prétendants de Pénélope, les hommes semblent maintenant pendus à ses lèvres. Il paraît même que la reine lui a accordé une audience privée. « Et puis quoi encore ! » Antinoos bouillonne.
Quand soudain : une idée ! D’un geste rapide, il se tourne vers Léiodès et lui montre la malle d’Ulysse contre le mur :
« Passe-moi l’arc. Je vais lui donner une de ces leçons, ouvre bien tes yeux ! »