Dans cette rubrique, nous offrons aux lecteurs des réflexions sur l’actualité sous la forme de chroniques rédigées en latin, lesquelles seront tantôt des traductions d’articles de presse, et tantôt de libres essais proposés par l’auteur.
Cum in Orientis partis gentibus bella religionum causa saevirent neque hucusque hebdomas fere umquam praetereat quin de novis inauditisque caedibus certiores fiamus, ceteroqui cum domi ita opes nostrae iampridem florere destiterint eorumque numerus qui inviti ab opere vacent graviter augeatur in menses, tamen hos commentariolos Latinos ingredientes nos a sublimioribus auspicari pauloque altius spectare juvit, ne Ovidius mentitus esse videatur, cuius opifex rerum procreatorque
Os homini sublime dedit : caelumque tueri
Jussit et erectos ad sidera tollere vultus.
(Mét., I, 85-86.)
Etenim res humanae, eheu ! cum ita essent in Terris, nihilominus in remotissimis plagis huius mundi quem sol illustrat, Mercurii die undecimo mensis Novembris, anno bis millesimo quarto, tum primum spatiale machinamentum, Philae ab insula oppidique antiquae Aegypti nuncupatum, in stellam crinitam, mirabile dictu, tandem aliquando appulit, nonnullis casibus haud infauste superatis.
Sed paulo ante revertamur. Nempe abhinc decem annos, siderale instrumentum exploratorium, Rosula nomine, e stella nostra erranti abierat sublime ut cometen Ciuriumovianum exploraret, qui cometes eo ipso anno bis millesimo decimo quarto nongentesimo undeseptuagesimo detectus erat quo homines primum super lunam ambularunt. Hisce diebus autem Rosula, decennii iter complens, ad metam demum pervenerat tractumque cometae Ciuriumoviani circa solem comitabatur atque, ut ita dicamus, eius vestigia per immensum sequebatur. Itaque Mercurii die undecimo mensis Novembris, Rosula, ut constitutum erat, Philas emisit, quae, forma tripede quo firmius solo haererent, motorio expertes, vi unius jactu ad cometam tenuerunt vel potius per vacuum in septem horas praecipites datae sunt, his verbis factis ab antistite Europeae Sedis Spatialis : « Alea jacta est », siquidem spes jam dempta erat Philarum umquam reciperandarum.
Tertia deinceps hora post meridiem, a Philis iam sextam horam cadentibus primae imagines confectae Rosulae pervenerunt, quibus imaginibus species ipsius Rosulae e longinquo figurata dabatur. At duabus horis post, cum modo Philae cometen tetigissent, praesente illo Ciuriumov qui eum ante plures quadraginta annis detexerat, ipsas humi non fixas esse constitit, deficientibus, ut patebat, iis uncis quibus terni machinamenti pedes instructi erant. Quo casu tunc evenit ut Philae nuntios sui mittere repente desierint, hominum summa trepidatione qui in Terris rem observabant e statione Europeae Sedis Spatialis, Darmstadii in Germania sita.
Attamen non multo prius quam Rosula post cometae finitorem circulum e conspectu Philarum tolleretur, nexus forte fortuna redintegratus est. Tum demum, rem sane inexpectatam ! Philas non semel tantum, sed bis terve appulisse in propatulo visum est, propterea quod, minima vi gravitatis, in altum semel et iterum ad mille passus a solo resiluerant, ut denique in anfractu quodam stellae crinitae subsisterent, umbroso in loco paene absconditae, humi jacentes per transversum, quo statu, dolendum est, nunciam officium suum soli percontandi persolvere iis difficillimum videtur. Ad quam difficultatem accedit quod mox pilae Philarum invicem defecerunt, ita ut robotum iam inde a Saturni die quinto decimo mensis Novembris silentium observet, quamvis homines docti qui illi explorationi praesunt pilarum vires ope radiorum solis refici posse adhuc sperent. At quid si in eo iniquissimo loco quo sese abdiderunt Philae haud plures quam binas horas cottidie jam datur apricari ?...
Utut est, Philarum in ora mundi nostri res ita strenue gestae iam satis habent decoris atque dignissimae sunt quas admiremur.
Magna spes enim rerum naturae indagatores tenet illud robotum tamquam ad exordia et fere ad incunabula omnis vitae regressurum esse. Nam caelestium periti ipsam stellam crinitam, quae Philas nostras hospitio excepit, vel potius, quo exactius loquamur, eius nucleum nihil aliud esse reputant quam mundi nostri vestigium petrefactum, sive fossile ut aiunt qui nunc sunt, qualis exortus est abhinc quattuor milliarda annorum cum dimidio.
Quid enim tunc temporis evenerat ? Cum sol ex ingenti globo gasiorum et pulverum procreatus esset in medio, in extremis vero finibus mundi, scilicet longissime ab illa origine lucis calorisque, spatio locorum decies interiecto quod nunc inter solem terrasque interest, longius etiam Saturno, eadem gasia iidemque pulveres gelu ita conglobabantur ut nucleos cometarum id genus formarent, qui nuclei ipsius vitae causas gremio suo reconditas tenebant, aquam dico catenationesque carbonii.
Deinceps, tempore procedente, cum Terrae sescentis millionibus annorum post vice sua nascerentur, magna copia harum cometarum in eas catervatim irruit idque haec pretiosissima semina vitalia Terris dono donavit ut, ab aridis ac desertis, fertilissimae uberrimaeque omni genere animantium eae factae sint.
Quae ipsa secreta inquisitores nostri flagrant penetrare, modo Philae cometen investigare pergant, antequam ipsa stella in exhalationem dissipetur ubi primum in solis viciniam pervenerit, quo tempore eius materia recta a statu solido in gasia solvetur.
Quid autem si Philae taceant in perpetuum ?... Praeter notitias quas nobis iam adportarunt eo triduo quo in cometa operam dabant sedulo, genus humanum non in sui perditionem eiusque orbis ubi incolit vires ingenium opes amittere sed iis rebus fretum summopere conari ut sibi incognita exploret nostra refert in primis, quod dignitati suae quadrat maxime.
F. B.
Pendant que les conflits religieux faisaient rage au Moyen-Orient, d’où il nous arrive chaque semaine des informations plus effrayantes les unes que les autres ; au moment où, en Europe, la situation économique est au plus bas depuis longtemps, où le chômage ne cesse de s’accroître au fil des mois, il nous a plu de commencer ces chroniques par un sujet plus élevé en levant un peu la tête, afin de ne pas démentir Ovide, dont le démiurge « a donné à l’homme un visage tourné vers le haut, en lui ordonnant de regarder le ciel et d’élever sa face en direction des étoiles » (Métamorphoses, I, 85-86).
Ainsi allait le monde, hélas, quand, aux confins de notre système solaire, pour la première fois, le mercredi 11 novembre 2014, un engin spatial nommé Philae (du nom d'une ville de l’ancienne Égypte), fait sensationnel ! a atterri sur une comète, après s’être sauvé d’un certain nombre de mésaventures.
Revenons en arrière. Il y a dix ans, la sonde Rosetta s’envolait de notre planète pour aller explorer la comète Tchouri, découverte en 1969, l’année même où l’homme a marché sur la lune. Ces jours-ci, après un voyage de dix ans, Rosetta est arrivée à destination. Elle s’est mise sur la même orbite que Tchouri en la suivant de près dans l’espace. Le mercredi 11 novembre, comme prévu, Rosetta s’est séparée de Philae. L’engin à trois pieds (pour une meilleure stabilité au sol), dépourvu de moteur, a été lancé en direction de la comète ou, plus exactement, s’est mis à tomber dans le vide pour une chute destinée à durer sept heures. « Alea jacta est », a commenté le responsable de l’Agence Spatiale Européenne (ASE). Philae était définitivement séparée de Rosetta, sans espoir de retour.
Puis, à trois heures de l’après midi, alors que Philae tombait depuis cinq heures, les premières images prises par cette dernière parvinrent à Rosetta : l’image de Rosetta elle-même vue de loin. Deux heures plus tard, Philae atterrissait. Tchourioumov, le découvreur de la comète il y a plus de quarante ans, était présent auprès des scientifiques qui assistaient à l’atterrissage. Mais à ce moment, on se rendit compte que Philae ne s’était pas ancrée dans le sol, les harpons qui équipaient l’engin n’ayant pas fonctionné. Bientôt après, Philae cessa d’envoyer de ses nouvelles. L’anxiété des observateurs de l’Agence Spatiale Européenne, à Darmstadt en Allemagne, était à son paroxysme.
Cependant, peu de temps avant que Rosetta ne disparaisse du champ de vision de Philae derrière l’horizon de la comète, le contact, heureusement, fut rétabli. Alors, surprise, il apparut clairement que Philae n’avait pas atterri seulement une fois, mais deux ou trois, parce que, étant donné la force de gravité extrêmement faible, elle avait effectué deux rebonds jusqu’à une altitude d’un kilomètre au-dessus de la surface. Elle s’était enfin immobilisée, échouée sous un relief de la comète, à moitié cachée dans un coin d’ombre, et posée de travers. Situation, hélas, dans laquelle la mission qui lui a été confiée de sonder le sol de la comète paraît difficile à réaliser ! Deuxième contretemps : au bout de trois jours, les piles de Philae sont tombées à plat, si bien que le robot garde le silence depuis samedi 15 novembre. Malgré tout, les scientifiques qui ont organisé la mission espèrent encore que les piles pourront être rechargée par les rayons solaires. Malheureusement, dans la très mauvaise position où Philae s’est mise elle-même, elle ne bénéficie plus que de deux heures d’ensoleillement par jour...
Quoi qu’il en soit, les hauts faits de Philae dans les lointains de notre système solaire sont déjà très remarquables et forcent l’admiration.
Les chercheurs nourrissent un grand espoir : c’est que ce robot puisse remonter aux origines et en quelque sorte à l’enfance de la vie. Car, pour les astrophysiciens, qu’est-ce que cette comète qui a accueilli Philae chez elle, ou, plus exactement, qu’est-ce que son noyau ? Rien de moins qu’un fossile de notre système en formation, tel qu’il naquit voici quatre milliards et demi d’années.
En effet, que s’était-il produit à cette date ? Au centre, le soleil s’était formé à partir d’une immense sphère de gaz et de poussières. À l’autre extrémité du système, bien loin de cette source de lumière et de chaleur, à une distance dix fois supérieure à celle qui sépare la Terre du Soleil, plus loin même que Saturne, ces gaz et ces poussières, sous l’effet du gel, s’étaient agglomérés pour former des noyaux de comètes du genre de Tchouri. Au sein de ces noyaux étaient renfermés les éléments nécessaires à la vie : l’eau et les chaînes carbonées.
Dans la suite des temps, la Terre naissait à son tour six cent millions d’années plus tard. Elle fut alors « bombardée » par quantité de comètes qui lui apportèrent ces semences de vie si précieuses. D’aride et déserte qu’elle était, la Terre devint alors ce havre luxuriant et fécond où se développèrent tant de formes vivantes.
Et ce sont ses secrets que les chercheurs brûlent de pénétrer, à condition que Philae poursuive ses sondages avant que la comète elle-même ne se sublime quand elle se sera rapprochée du soleil.
Mais si Philae se taisait définitivement ?... D’abord, les éléments qu’elle nous a déjà transmis pendant les trois jours où elle s’est activée sur Tchouri ne sont pas perdus. Mais le plus important à nos yeux, c’est que l’être humain ne gaspille pas son énergie, son talent et ses moyens pour se détruire soi-même avec le globe où il vit, mais que, grâce à eux, il mette toutes ses forces à sonder l’inconnu, comme il convient pleinement à la dignité qui est la sienne.
F. B.