Remedia morbis - III. Anthologie de remèdes favorisant le désir sexuel

Texte :

Tous les quinze jours, Nicola Zito vous invite à découvrir les remèdes médicaux les plus curieux des Anciens, entre science, magie, astrologie et superstition. Libre à vous de les expérimenter !

1. Pétrone, Satiricon, 129.

La lettre d’une amante frustrée

Circé à Polyaenos[1], salut. Si j’étais débauchée je te reprocherais ma déception. Bien au contraire je rends grâce à ton fiasco qui m’a permis de badiner plus longuement à l’ombre du plaisir. Mais je m’inquiète de toi. Tes jambes ont-elles pu te ramener ? Les médecins assurent qu’on ne peut marcher sans bander ses muscles. Écoute-moi bien, petit garçon. Attention à la paralysie. Je n’ai jamais vu de malade en si grand danger. Tu es déjà à moitié mort. Si le même froid s’attaque à tes genoux et à tes mains, tu peux commander les sonneurs de cor pour tes funérailles. Mais quoi, quand bien même tu m’as gravement manqué de respect, je ne puis refuser une ordonnance à un infirme. Si tu veux guérir, adresse-toi à Giton. Je te garantis qu’en dormant trois jours sans ton frère tu rebanderas. Quant à moi je ne suis pas en peine de trouver un amant moins difficile. Mon miroir et ma réputation m’en répondent. Porte-toi bien si tu peux.

Pétrone, Satiricon, éd. par O. Sers, Paris, Les Belles Lettres, 2001, p. 271.

2. Lapidaire orphique, v. 469-471.

Une vertu de l’ophite, “noble pierre aux serpents”

Un [homme] était en proie à la colère de l’Aphrodite d’or : il n’était plus capable d’assumer les travaux amoureux du mariage. Réveillant la flamme ancienne, la pierre le guérit et le rendit aux siens.

Les Lapidaires grecs, éd. par R. Halleux et J. Schamp, Paris, Les Belles Lettres, 1985, p. 107.

3. Nonnos de Panopolis, Les Dionysiaques, 32.19-27.

La couronne d’Héra

Sur sa tête, elle porte une chatoyante couronne rehaussée de plusieurs escarboucles, compagnons d’Amour, qui font jaillir en miroitant les scintillants éclairs du feu de Cypris (Aphrodite) ; elle porte la gemme fameuse qui excite le désir chez les hommes, celle qui doit son nom lumineux à Séléné que blesse le désir[2] ; et la pierre qu’attire le séducteur pouvoir du fer ; et la pierre indienne, génératrice d’amour, parce qu’elle a germé, elle aussi, de l’onde en même temps que la Fille de l’écume (Aphrodite) ; et l’hyacinthe azuré, toujours chère à Phoibos (Apollon)[3].

Nonnos de Panopolis, Les Dionysiaques. Chants XXX-XXXII, éd. par F. Vian, Paris, Les Belles Lettres, 1997, p. 102-103.

4. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, 26.95.

Les vertus de l’orchis

Peu de plantes sont aussi merveilleuses que l’orchis ou sérapias. Il a les feuilles du poireau, la tige haute d’un palme, une fleur pourpre et la racine double en forme de deux testicules dont le plus gros, certains disent le plus mince, absorbé dans de l’eau, excite les désirs sexuels, et le plus petit ou le plus mou, pris dans du lait de chèvre, les éteint. Quelques-uns disent que cette plante a les feuilles de la scille, mais plus lisses et plus petites, et la tige épineuse.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle. Livre XXVI, éd. par A. Ernout et R. Pépin, Paris, Les Belles Lettres, 1958, p. 49-50.

5. Hermès Trismégiste, Livre sacré sur les décans, 28.

Aphébis, le troisième décan du Scorpion

Celui-ci a pour nom Aphébis ; il a tout le corps d’un homme et la tête d’un bouc ; il tient à deux mains des rènes ; il est muni de bandelette depuis les seins jusqu’aux talons. Il régit les testicules et fait partir les inflammations produites soit sur les deux, soit sur un seul. Grave-le donc sur la pierre (appelée) sardoine égyptienne, et, plaçant au-dessous la plante (appelée) réglisse, renferme dans ce que tu veux et porte (sur toi), en t’abstenant d’orchis.

Trad. C.-E. Ruelle, RPh 32 (1908), p. 269.

6. Pseudo-Plutarque, Des fleuves, 17.4.

La plante qui excite le désir

Une plante appelée charisia pousse sur cette montagne (le mont Taygète). Les femmes, au début du printemps, l’attachent autour de leur cou, et les hommes les aiment avec plus de passion, comme le raconte Cléanthe dans son premier livre Des montagnes. Sosthène de Cnide en traite de manière plus précise, et c’est chez lui qu’Hermogène a puisé son sujet[4].

7. Théophraste, Recherches sur les plantes, 9.18.9.

Une plante mystérieuse qui vient de loin…

Le plus extraordinaire, c’est le pouvoir de la drogue qu’avait l’Indien[5]. On a raconté qu’après en avoir non pas absorbé, mais frotté leur membre, les hommes se mettaient en érection et que l’effet était si puissant qu’ils pouvaient avoir des rapports avec autant de femmes qu’ils voulaient – jusqu’à douze, selon ceux qui avaient fait l’expérience ; en tout cas, le droguiste lui-même, un homme grand et fort, racontait qu’une fois il avait eu soixante-dix rapports ; son éjaculation se faisait goutte à goutte et il avait fini par émettre du sang. L’excitation sexuelle est, paraît-il, encore plus vive chez les femmes, quand elles usent de cette drogue. Celle-ci a donc une efficacité exceptionnelle, à la supposer authentique.

Théophraste, Recherches sur les plantes. Livre IX, éd. par S. Amigues, Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 54.

8. Pline l’Ancien, Histoire naturelle, 28.261-262.

Des vertus de l’âne et du taureau

Stimulent les fonctions sexuelles : le fiel de sanglier en liniment, la moelle de porc prise à l’intérieur, le suif d’âne mélangé de graisse de jars en onction, l’humeur qui s’écoule d’une jument après la saillie et que Virgile même a décrite [Géorgiques, 3.280 ss.], les testicules de cheval desséchés de façon à pouvoir être émiettés dans un breuvage, ou le testicule droit d’un âne, pris dans du vin à dose convenable ou attaché à un bracelet, l’écume du même animal recueillie après la saillie dans une étoffe rousse et enfermée, comme le recommande Osthanès[6], dans un médaillon d’argent. Salpé[7] prescrit de plonger sept fois une verge d’âne dans l’huile bouillante et de s’en frictionner l’organe correspondant ; Dalion[8] d’en absorber la cendre ou de boire l’urine rendue par un taureau qui vient de saillir et de s’enduire le pubis avec la boue formée par cette urine. Mais, tout au contraire, des onctions de bouse de taureau rendent les hommes impuissants.

Pline l’Ancien, Histoire naturelle. Livre XXVIII, éd. par A. Ernout, Paris, Les Belles Lettres, 1962, p. 113-114.

 

[1] Pseudonyme d’Encolpe.

[2] Allusion aux nombreuses amours de Séléné, notamment avec Endymion.

[3] Les pierres évoquées dans l’extrait sont respectivement la lychnite ou escarboucle, la sélénite ou pierre de lune, la sidérite ou magnétite, la perle ou pierre indienne, l’hyacinthe qu’il faut peut-être identifier avec l’aigue marine.

[4] Auteurs inconnus par ailleurs. La traduction est de l’auteur.

[5] Les auteurs du récit sur lequel se fonde Théophraste sont les compagnons d’Alexandre qui, à leur retour d’Asie, remplirent la Grèce de merveilles et d’affabulations.

[6] Nom d’un mage perse de l’époque de Xerxès ; il aurait composé des ouvrages d’astronomie, de pharmacie et d’alchimie.

[7] Sage-femme grecque, auteur d’un ouvrage d’obstétrique.

[8] Médecin inconnu, apparemment auteur d’ouvrages sur les plantes.