Chaque jour, nous vous offrons un texte retraçant le contexte, les préparatifs puis la bataille de Salamine.
Dans la baie d’Ambélaki, où se déroule l’essentiel de la bataille, les Grecs sont à un contre trois (322 navires grecs, 950 perses). Eschyle qui, dix ans plus tôt, avait combattu à Marathon, est sur une trière athénienne. Soldat et témoin oculaire, il met le récit de la bataille dans la bouche d’un messager perse. Trompettes et péan grecs ont résonné.
Aussitôt les rames bruyantes, tombant avec ensemble, frappent l’eau profonde en cadence, et tous bientôt apparaissent en pleine vue. L’aile droite, alignée, marchait la première, en bon ordre. Puis la flotte entière se dégage et s’avance, et l’on pouvait alors entendre, tout proche, un immense appel :
– Allez, enfants des Grecs, délivrez la patrie, délivrez vos enfants et vos femmes, les sanctuaires des dieux de vos pères et les tombeaux de vos aïeux : c’est la lutte suprême ! Et voici que de notre côté un bourdonnement en langue perse leur répond : ce n’est plus le moment de tarder. Vaisseaux contre vaisseaux heurtent déjà leurs étraves de bronze. Un navire grec a donné le signal de l’abordage : il tranche l’aplustre d’un bâtiment phénicien. Les autres mettent chacun le cap sur un autre adversaire. L’afflux des vaisseaux perses d’abord résistait; mais leur multitude s’amassant dans une passe étroite, où ils ne peuvent se prêter secours et s’abordent les uns les autres en choquant leurs faces de bronze, ils voient se briser l’appareil de leurs rames, et, alors les trières grecques adroitement les enveloppent, les frappent ; les coques se renversent ; la mer disparaît toute sous un amas d’épaves, de cadavres sanglants; rivages, écueils, sont chargés de morts, et une fuite désordonnée emporte à toutes rames ce qui reste des vaisseaux barbares, tandis que les Grecs, comme s’il s’agissait de thons, de poissons vidés du filet, frappent, assomment, avec des débris de rames, des fragments d’épaves ! Une plainte mêlée de sanglots règne seule sur la mer au large, jusqu’à l’heure où la nuit au sombre visage vient tout arrêter ! Quant à la somme de nos pertes, quand je prendrais dix jours pour en dresser le compte, je ne saurais l’établir. Jamais, sache-le, jamais en un seul jour n’a péri pareil nombre d’hommes.
Eschyle, Les Perses, 396-432
Au début de leur attaque, les Perses conservaient leurs places, car ils avaient beaucoup d’espace ; mais quand ils arrivèrent au resserrement du passage, ils furent contraints de détacher certains navires du rang, manœuvre qui provoqua une grande confusion. Le navarque, qui ouvrait la marche, engagea le premier le combat : il fut tué après s’être glorieusement battu. Son navire fut coulé ; le désordre s’empara alors de la flotte barbare : c’est que nombreux étaient ceux qui donnaient des ordres, mais chacun d’eux prescrivait des mouvements différents. Les navires interrompirent donc leur progression : ils s’arrêtaient et faisaient demi-tour pour regagner l’espace libre. Quand les Athéniens virent ce désordre chez les Barbares, ils attaquèrent les ennemis, éperonnant les uns, arrachant aux autres leurs rangées de rames en frôlant les coques : quand la chiourme ne pouvait plus ramer, beaucoup de trières présentaient leur flanc à l’ennemi et elles étaient endommagées sous les coups d’éperon répétés. Elles cessèrent alors de ramer à culer, mais tentaient de virer de bord et de fuir au plus vite.
Les Athéniens étant venus à bout des navires phéniciens et chypriotes, les Ciliciens et les Pamphyliens ainsi que les Lyciens qui les suivaient immédiatement résistèrent d’abord vigoureusement, mais quand ils virent les meilleurs vaisseaux prendre la fuite, ils abandonnèrent eux aussi le combat. À l’autre aile, le combat fut acharné et pendant quelque temps indécis ; mais lorsque les Athéniens, qui avaient poursuivi jusqu’au rivage les Phéniciens et les Chypriotes, revinrent, ils prirent l’avantage sur les Barbares, qui virèrent de bord et qui perdirent beaucoup de navires. C’est ainsi que les Grecs eurent le dessus et remportèrent sur les Barbares une victoire navale éclatante ; au cours de cette bataille, les Grecs perdirent 40 navires et les Perses plus de 200 sans compter ceux qui furent pris avec leur équipage. Le Roi, vaincu contre ses espérances, fit mettre à mort, parmi les Phéniciens qui avaient été les premiers à fuir, ceux qu’il jugea les plus coupables et menaça les autres de leur infliger le châtiment qu’ils méritaient. Effrayés par ces menaces, les Phéniciens gagnèrent d’abord la côte attique, puis, la nuit tombée, partirent pour l’Asie.
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, 11, 18, 4-6