[UN ÉTÉ AVEC LES CLASSIQUES] Anthologie – Quelques recettes d'été d'antan

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Cette semaine, La Vie des Classiques republie les chroniques qui nous parlent du soleil, de la mer et du tourisme. Comme un goût de vacances d’il y a quelques siècles…

En vacances, au calme, au chaud, vous avez envie de prendre le temps de cuisiner, de cuisiner frais et de saison. Contre toute attente, les recettes de Caton « le censeur » sont succulentes, presque diététiques et très économiques : Caton pensait à tout, même à recycler les restes pour nourrir les esclaves ! Si d’aventure vos convives n’apprécient pas l’anecdote ou si la placenta et les boulettes sont peu digestes, présentez-leur du chou: il a toutes les vertus! Enfin, en dessert, n’hésitez pas à servir de simples figues en rappelant que c’est en exhibant une figue fraîche « cueillie le matin même à Carthage » que Caton a convaincu les Sénateurs de partir en guerre contre cette ville ennemie qui n’était que trop proche de Rome (et où les fruits étaient si délicieux). LVDC

FAITES LE LIBUM DE CETTE FAÇON 

Faites le libum de cette façon: que l’on pile bien deux livres de fromage dans un mortier; quand on l’aura bien pilé, ajoutez une livre de farine de blé siligo ou, si vous voulez que ce soit plus léger, seulement une demi-livre de fine farine, et mélangez bien avec le fromage ; ajoutez un œuf et mélangez bien ensemble; faites-en un pain, mettez des feuilles dessous, cuisez doucement à la chaleur du foyer sous une tuile. 

FAITES AINSI LA PLACENTA 

Faites ainsi la placenta : deux livres de farine de blé siligo, pour faire l’abaisse ; pour les feuilles de pâte, quatre livres de farine et deux livres de semoule fine. Versez la semoule dans de l’eau ; quand la consistance sera bien molle, mettez dans un mortier propre et faites bien ressuer; ensuite, pétrissez à la main; quand la pâte sera bien travaillée, ajoutez peu à peu les quatre livres de farine, réduisez le tout en feuilles de pâte; disposez-les dans une corbeille pour qu’elles y ressuent; quand elles auront ressué, empilez-les proprement. Quand vous ferez chaque feuille, après l’avoir pétrie, tamponnez avec un morceau d’étoffe imbibé d’huile et frottez tout autour et enduisez; quand elles seront tamponnées, chauffez bien le foyer où vous voulez faire cuire, ainsi que la tuile. Après cela, arrosez les deux livres de farine et pétrissez; faites-en l’abaisse, mince. Mettez dans de l’eau quatorze livres de fromage de brebis non acide et bien frais, laissez macérer, changez d’eau trois fois ; retirez et égouttez bien, petit à petit, à la main, mettez, bien égoutté, dans un mortier; quand vous aurez bien égoutté tout le fromage, pétrissez à la main, dans un mortier propre et émiettez le plus fin possible ; ensuite prenez un tamis à farine propre, et faites en sorte de tamiser le fromage dans le mortier. Après cela, ajoutez quatre livres et demie de bon miel, mélangez bien avec le fromage. Après cela, posez l’abaisse sur un pla- teau propre d’un pied de large; placez dessous des feuilles de laurier huilées, façonnez la placenta : mettez d’abord une feuille de pâte seule pour toute la surface de l’abaisse, ensuite enduisez les feuilles de pâte prises dans le mortier, ajoutez les feuilles une à une, enduisez de même jusqu’à ce que vous ayez utilisé tout le mélange de fromage et de miel ; pour le dessus, mettez une feuille de pâte seule. Après cela, resserrez l’abaisse, garnissez d’abord bien le foyer et réglez le feu ; mettez alors en place la placenta, couvrez avec la tuile chaude, recouvrez et entourez de braise. Veillez à faire bien cuire en prenant le temps voulu, découvrez, le temps de vérifier, deux ou trois fois ; quand ce sera cuit, retirez, enduisez de miel. Cela donnera une placenta d’un demi-modius. 

FAITES AINSI LA SPIRA 

Faites ainsi la spira: à proportion de la quantité que vous voudrez faire, procédez en tout de la même façon que se fait la placenta, mais façonnez autrement sur l’abaisse, enduisez bien de miel les feuilles de pâte ; traitez-les comme si vous en faisiez un cordon, disposez-les dans cet état sur l’abaisse, recouvrez-la bien, en serrant, de spires simples ; pour tout le reste, procédez et cuisez comme si vous faisiez une placenta. 

FAITES AINSI LES BOULETTES 

Faites ainsi les boules : mélangez de la même façon fromage et semoule; faites-en des boules de la grosseur que vous voudrez. Dans un chaudron de cuivre chaud, mettez de la graisse ; faites frire, une à une ou par deux, et retour- nez fréquemment avec deux baguettes ; une fois frites, retirez-les, enduisez-les de miel, saupoudrez de pavot, et servez. 

FAITES AINSI L’ENCYTUM 

Faites l’encytum de la même façon que les boules, sauf que l’on prenne un récipient creux à fond percé: ainsi, faites couler dans la graisse chaude; faites-le beau comme une spira, et retournez et dressez avec deux baguettes; enduisez de même et laissez colorer à chaleur modérée; servez avec du miel ou du vin miellé. 

FAITES AINSI L’ERNEVM 

Faites l’erneum comme la placenta; employez les mêmes ingrédients que pour la placenta; mélangez dans un auget, mettez dans un cruchon de terre, plongez-le dans une mar- mite de cuivre pleine d’eaux chaudes, et cuisez au feu; quand ce sera cuit, brisez le cruchon, et servez. 

De l’agriculture, 74-82 

MANGEZ DU CHOU! 

Le chou est un légume qui surpasse tous les autres; mangez-le soit cuit, soit cru; si vous le mangez crus, faites- le macérer dans le vinaigre: il fait digérer merveilleuse- ment, fait du bien au ventre et l’urine en est bonne pour tout. Si vous voulez, dans un banquet, boire beaucoup et manger avec appétit, avant le repas, mangez-en cru, tant que vous voudrez, dans du vinaigre ; et aussi après le repas, mangez-en environ cinq feuilles : il vous produira l’effet de n’avoir rien mangé et vous boirez tant que vous voudrez. 

Si vous voulez aller par le haut, prenez quatre livres d’un chou aux feuilles les plus lisses, faites-en trois poignées égales, et liez-les; après cela, mettez chauffer une marmite avec de l’eau; quand elle commencera à bouillir, plongez-y un instant une poignée : l’eau cessera de bouillir ; après cela, quand elle recommencera à bouillir, plongez-la un instant, le temps de compter jusqu’à cinq, retirez-la; procédez de même pour la seconde poignée, et aussi pour la troisième; après cela, jetez-les ensemble, écrasez, sortez et mettez dans une toile de lin, exprimez le jus, environ une hémine, dans une petite coupe en terre ; mettez-y un grain de sel gros comme une lentille bâtarde, du cumin grillé, de quoi parfumer; après cela, mettez la petite coupe dehors par beau temps, la nuit ; que celui qui devra boire la potion prenne un bain chaud, boive de l’eau miellée, et se couche sans souper; le lendemain matin, qu’il boive le jus et qu’il marche quatre heures, qu’il fasse ce qu’il aura à faire; quand il aura envie de vomir et que la nausée le prendra, qu’il se couche et se débarrasse : il rendra tant de bile et de pituite qu’il se demandera lui-même d’où une telle quantité peut venir; après cela, quand il ira par le bas, qu’il boive une hémine ou un peu plus ; s’il va trop, qu’il prenne deux cuillers de fine farine, les délaie dans de l’eau, en boive un peu: cela s’arrêtera. Mais pour ceux qui souffriront de coliques, il faut faire macérer du chou dans l’eau; quand il aura macéré, mettez-le dans l’eau chaude, cuisez jusqu’à ce qu’il soit bien détrempé, jetez l’eau; après cela, ajoutez du sel, un peu de cumin et ajoutez aussi de la fleur de farine d’orge et de l’huile ; après cela, faites bouillir, ver- sez dans une terrine, pour refroidir; délayez dedans ce qu’il voudra manger; après cela, qu’il mange; mais qu’il mange le chou seul, s’il le peut; et s’il n’a pas de fièvre, donnez lui à boire du vin noir âpre, étendu d’eau, le moins possible ; s’il a de la fièvre, de l’eau ; faites cela chaque jour, le matin ; n’en donnez pas beaucoup, de peur qu’il ne s’en dégoûte, de manière qu’il puisse continuer à en manger de bon cœur : donnez-en de la même façon aux hommes, aux femmes et aux enfants. 

De l’agriculture, 156 

LA NOURRITURE DES ESCLAVES 

Pour ceux qui travaillent aux champs, pendant l’hiver, quatre modii de blé triticum, pendant l’été, quatre modii et demi; pour le fermier, la fermière, le surveillant, le berger, trois modii ; pour les esclaves enchaînés, pendant l’hiver, quatre livres de pain; quand ils commenceront à piocher la vigne, cinq livres de pain jusqu’à ce qu’il commence à y avoir des figues; ensuite, revenez à quatre livres. 

[…]

Quand la vendange sera faite, qu’ils boivent de la piquette pendant trois mois; le quatrième mois, une hémine par jour, c’est-à-dire deux conges et demi dans le mois; le cinquième, le sixième, le septième et le huitième mois, un setier par jour, c’est-à-dire cinq conges par mois; le neuvième, le dixième, le onzième, le douzième, trois hémines par jour, c’est-à-dire une amphore; en plus de cela, aux Saturnales et aux Compitales, par tête, un conge ; quantité totale de vin par tête dans l’année. Pour les esclaves enchaînés, ajoutez selon ce qu’ils feront comme travail; ce n’est pas excessif qu’ils boivent chacun dix quadrantals de vin par an. 

POUR ACCOMPAGNER LE PAIN DES ESCLAVES 

Mettez en réserve le plus possible d’olives tombées; ensuite mettez en réserve les olives mûres dont on pourrait tirer le moins d’huile ; ménagez-les, pour qu’elles durent le plus longtemps possible. Quand les olives seront consommées, donnez de l’hallec et du vinaigre. Donnez à chacun un setier d’huile par mois; un modius de sel pour chacun suffit dans l’année. 

De l'agriculture, 56-58

Recettes issues de Caton, De l’agriculture, CUF, texte établi, commenté et traduit par R. Goujard.

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