L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.
Le personnage principal de cet oratorio pourrait être Jealousy, la passion qui s’empare de Déjanire lorsqu’elle voit son époux Hercule revenir à Trachis avec la jeune captive Iole.
Pour garantir la fidélité du héros, elle va se souvenir d’un remède recommandé par le centaure Nessus, abattu autrefois par Hercule pour avoir voulu l’enlever : lui donner sa tunique ensanglantée, en fait empoisonnée.
« Déjanire aimait, elle fut crédule » (credit amans), c’est la formule d’Ovide. Inspiré par le poète et par Les Trachiniennes de Sophocle, Haendel met en musique les hésitations, la résolution, puis le pressentiment de l’erreur qui précèdent l’issue fatale. Déjanire doute des bonnes intentions posthumes du centaure, mais aussi des siennes ! « J’ai peur d’avoir été trop loin », l’erreur est rendue ambiguë par le savoir obscur qui la précède. Déjanire savait-elle déjà, malgré son amour, ou à cause de lui ? O fatal error of misguided love ! Dans le chant de la faute, Jalousie laisse place aux Furies...
J.T.
G.F. Haendel, Hercule (1745), Production Théâtre des Champs-Elysées. Direction Harry Bicket, Matthew Rose (Hercule), Alice Coote (Dejanira), The English Concert, Choir of the English Concert. Un extrait audio-visuel : Where shall I fly ?
– Sophocle, Les Trachiniennes, Belles Lettres, 1994.
– Ovide, Les Métamorphoses, Belles Lettres, 2009. L’épisode se trouve dans le livre IX.