L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.
« Il y a de l’amour », étrange découverte, comme si l’archéologue Heinrich Schliemann, convaincu d’avoir exhumé Troie, devait aussi y trouver sa Belle Hélène, Sophia.
L’opéra retrace les épisodes de sa quête obstinée : retrouver les faits et les sentiments véritables dont L’Iliade serait la trace. Même pour l’amour, Schliemann s’en remet au texte grec ! Il demande à Sophia de chanter la plainte d’Hélène prenant part au deuil d’Hector. Et l’archéologue est saisi par la jeunesse d’une voix qui prête sa couleur au poème.
Tantôt aurore aux doigts de rose, tantôt crépuscule sépia, l’opéra fait entendre dans la vie de Schliemann cet « accent d’inguérissable amertume… qui procède de la tendresse », souligné par la philosophe Simone Weil dans L’Iliade ou le Poème de la force. La musique et les timbres si expressifs de Betsy Jolas, comme poudroyants, semblent demander avec Sophia : « La poussière, c’est de l’oubli ou de la mémoire ? » L’archéologue répondra peut-être avec elle : « Je désire le temps. »
J. T.
Betsy Jolas, Iliade l’amour (2013), nouvelle version de Schliemann (1995), adapté de la pièce de Bruno Bayen Schliemann, épisodes ignorés (1995).
Créé le 12 mars 2016 par les élèves chanteurs et l’orchestre du Conservatoire national de Paris, sous le direction de David Reiland.
Le site de la Philharmonie de Paris propose, parmi ses ressources numériques, un très riche dossier pédagogique sur Iliade l’amour, avec de nombreux extraits musicaux et vidéos. Voir à cette adresse.
On pourra aussi consulter le programme de concerts et d’événements du Conservatoire national de Paris, extrêmement varié sur toute l’année. Il est régulièrement mis à jour à cette adresse.
‒ Homère, Iliade, traduit par Paul Mazon, Belles Lettres, 3 vol., 1998-2015.
Le chant d’Hélène-Sophia dans l’opéra commence par ce vers :
« Hector, de tous nos beaux-frères, tu étais de beaucoup le plus cher à mon cœur. »
« Ἕκτορ ἐμῷ θυμῷ δαέρων πολὺ φίλτατε πάντων, ἦ μέν μοι πόσις ἐστὶν » (XXIV, v. 761-762).