L’opéra est encore jeune, mais de Monteverdi à Wagner, il a créé son Antiquité. En chantant le mythe et la tragédie, l’art lyrique s’invente et rêve les Anciens.
La Clémence de Titus sublime la crise en musique. Bérénice partie, Titus est seul face au modèle de la clémence d’Auguste, un pardon souverain qui confirme la loi par l’exception qui la dépasse, contre les cercles de la violence. Après Sénèque, Corneille et Glück, Mozart fait entendre la Clémence aux puissants, mais la Révolution a eu lieu, et le « miroir des princes » accuse les tyrans.
Tout l’opéra chante crescendo séismes politiques et brûlures morales. Le Vésuve ravage Pompéi et Titus veux la sincérité en politique... Le Capitole est en flammes, mais l’amitié et le droit se disputent sa raison pas si souveraine — « Vengeance ! Qu’il vive... » — jusqu'au pardon final, au lieu du remords.
Denis Podalydès a choisi les années 1930-1940 pour cadre de cette politique limite. Boiseries d’hôtel, bagages et lourds manteaux dénoncent l’inertie panique du pouvoir, l’étrange intimité de la décision. L’excellence des artistes et une habile direction donnent voix, corps et passions à la grande Clémence.
J. T.
W.A. Mozart, La Clémence de Titus, (1791), nouvelle production crée le 10.12.2014 au Théâtre des Champs Élysées. Mise en scène de Denis Podalydès, décors d’Éric Ruf, costumes de Christian Lacroix. À retrouver en vidéo sur Arte jusqu'au 18.6.2015 inclus.