Cette chronique raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque.
« Dès son apparition, le poème de Dante avait passionné les illustrateurs. » (Jacqueline Risset, « De Botticelli à Dante », in La Divine Comédie illustrée par Botticelli, Paris, Diane de Selliers Éditeur, La Petite collection, 2008, p. 10) Celui qui va nous intéresser aujourd’hui est non seulement peintre, mais humaniste : Sandro Botticelli.
Alessandro Filipepi (1445-1510), dit Sandro Botticelli, est l’un des grands peintres de la Renaissance florentine. Il se trouve qu’on lui a demandé deux fois d’illustrer La Divine Comédie ! Le premier projet n’a pas abouti et le second est inachevé, malgré les dix ans que le peintre y consacra. En 1481, un commentaire de la Divine Comédie paraît à Florence. Il est écrit par l’humaniste Cristoforo Landino (1425-1498).
Cet in-folio est, en fait, la première Comédie imprimée pour laquelle est prévue une illustration, en l’occurence, des gravures sur cuivre réalisées d’après des dessins de Botticelli. Les cent anti doivent s’accompagner d’illustrations toutes de format identique. On ne sait qui de l’imprimeur, du commentateur ou de l’illustrateur eut l’idée de cette innovation. Aucune gravure n’est toutefois exécutée au moment de l’impression du livre, bien que le compositeur ait prévu leur emplacement en laissant un espace libre sur la feuille.
Botticelli a dû commencer son travail d’illustration de cette édition de la Comédie peu après son retour de Rome, à l’automne 1482 ; il avance cependant si lentement que le projet est abandonné vers 1487, sans être achevé : seuls dix-neuf dessins ont été gravés, probablement par Baccio Baldini.
(Peter Dreyer, « Histoire du manuscrit », in La Divine Comédie illustrée par Botticelli, Paris, Diane de Selliers éditeur, La Petite collection, 2008, p. 30)
Le second projet est une commande de Laurent le Magnifique. Il fait calligraphier La Divine Comédie par Nicolaus Mangona. Botticelli dessine au dos des feuilles : comme le travail n’est pas achevé, on a parfois peine à imaginer que les illustrations définitives allaient être en couleurs, comme la Carte de l’Enfer. Les feuilles ont été dispersées et sont aujourd’hui conservées à Berlin et au Vatican. Diane de Selliers Éditeur les a réunies dans un beau-livre, en 1996.
Botticelli conserve quelques traditions médiévales : Virgile porte un manteau bleu et Dante un rouge et on voit apparaître plusieurs fois les personnages sur un seul dessin (ce que Léonard de Vinci rejettera).
Dans les premiers poèmes, Botticelli illustre d’assez près le texte de Dante, alors qu’arrivé au Paradis, il se concentre uniquement sur Dante et Béatrice. Le texte est transposé par les regards des personnages, le discours devient illustration muette. La narration, très présente dans l’Enfer et le Purgatoire laisse la place au symbole : « Le Paradis est intérieur à l’âme. » (André Chastel, cité par Jacqueline Risset, op. cit. p. 19) De la même manière que Dante fait cheminer avec lui le lecteur, Botticelli l’invite à se métamorphoser tant par le texte que par l’image
L’œuvre de Dante a dépassé les frontières italiennes et notre prochaine chronique — dans la continuité de la cinquième — s’attachera à montrer comment elle imprègne la pensée humaniste.
« Onorate l’altissimo poeta ; / l’ombra sua torna, ch’era dipartita. »
« Honorez le très grand poète ; / son ombre revient, qui était partie. »