Cette chronique raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque.
Le nom de Guillaume Budé est familier à tout ami de La Vie des Classiques, comme à tout lecteur des Belles Lettres. Mais connaissez-vous l’homme qui a donné son nom à la plus célèbre des collections de textes latins et grecs ? À l’occasion de la publication du 1000e Budé (un volume d’Hippocrate à découvrir ici), voici une chronique exceptionnelle sur l’humaniste associé à la prestigieuse collection.
Guillaume Budé naît en 1468 à Paris dans une famille de la haute bourgeoisie, laquelle l’envoie, dès ses quinze ans, étudier le droit à Orléans. Alors que la vie du jeune homme aurait pu ressembler à celle de bien des jeunes gens de sa génération et de son milieu, elle prend un tournant décisif en 1492. Âgé de vingt-quatre ans, Guillaume Budé décide de se consacrer à l’étude. Il apprend le grec presque seul ; il faut dire qu’il n’y avait guère de professeur de grec ancien à l’époque. Il recommence ses études de droit, qu’il complète par des études de théologie et de lettres. Il traduit aussi bien le De placitis philosophorum de Plutarque qu’une lettre de saint Basile à saint Grégoire de Nazianze sur les joies de la vie solitaire.
Bientôt Guillaume Budé travaille à son premier livre personnel : Les Annotations aux Pandectes. Cet ouvrage, écrit en latin, paraît en 1508. Il marque un jalon dans les études philologiques, comme dans les études juridiques. En 1515, son De Asse (L’As, le « sou ») lui vaut gloire et célébrité. C’est aujourd’hui encore son livre le plus célèbre. Ce traité, qui évoque aussi bien les monnaies et mesures anciennes que les dépenses publiques et le budget militaire de l’empire romain, propose aussi une réflexion sur le luxe. Il a eu un grand succès et l’auteur en a proposé un abrégé en 1522 : Épitomé du livre De Asse (une édition critique présente ce texte et sa traduction française aux Belles Lettres dans la bien nommée collection « Classiques de l’humanisme »).
François Ier nomme Budé « maître de la librairie du roi », c’est-à-dire qu’il est responsable de la bibliothèque du château de Fontainebleau. Celle-ci est l’ancêtre de la BnF et c’est notamment grâce à Budé, que le roi mettra en place, en 1537, le système du dépôt légal toujours en vigueur aujourd’hui. L’érudit fait partie des humanistes qui encouragent le roi à créer un collège royal où l’on pourrait étudier la philologie. En 1530, François Ier nomme des lecteurs royaux qui deviennent les premiers professeurs du Collège de France.
En 1535, Guillaume Budé publie chez Robert Estienne un ouvrage qui sera considéré comme son testament, De transitu hellenismi ad christianismum (en français, Le passage de l'Hellénisme au Christianisme), dans lequel il livre sa réflexion sur les rapports entre philosophie et religion. La question qui tourmente l’érudit est : quelles conséquences aura l’humanisme pour le christianisme ? Ce texte est disponible aux Belles Lettres et, au sujet des liens d’amitié entre les deux humanistes, vous pouvez consulter « Robert Estienne imprimeur de Guillaume Budé » et « Guillaume Budé vu par Robert Estienne ».
Nous n’avons pas cité ici tous les ouvrages de Guillaume Budé, qui partageait son temps entre sa nombreuse famille, ses recherches, ses fonctions à la cour et son rôle de magistrat. L’énumération aurait probablement été vaine : une bibliographie aurait-elle montré que Guillaume Budé est le plus grand humaniste français laïc ? Son érudition et son travail de redécouverte des textes antiques ont été salué par nombre de contemporains parmi lesquels Érasme lui-même. Aujourd’hui ses textes ne sont plus guère lus, mais son travail se poursuit et la collection Budé en est le plus bel exemple.