Cette chronique raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ».
Après une chronique sur Ésope, cette semaine c’est le poète tragique grec Euripide (Ve siècle avant J.-C.) qui est à l’honneur.
Seule une pièce d’Euripide, Hécube, est publiée par Robert Estienne et chaque fois dans une traduction française. Cette tragédie a pour héroïne Hécube, femme du roi Priam et mère d’Hector, qui figure au rang des vaincus de la guerre de Troie. La première édition de la pièce par Estienne date de 1544 et la seconde de 1550. La traduction n’est pas signée et a posé des problèmes d’attribution. Guillaume Bochetel et Lazare de Baïf sont les traducteurs suivant tel ou tel bibliographe. C’est la devise « Rerum vices » inscrite à la fin du volume qui a favorisé l’attribution de la traduction à Lazare de Baïf, qui est notamment le traducteur de l’Electra de Sophocle. Pourtant cette devise n’est pas la sienne ! Et c’est, selon les chercheurs contemporains, Guillaume Bochetel le traducteur de « la tragédie d’Euripide nommée Hecuba ». Guillaume Bochetel écrit aussi une épître au roi François Ier :
« Or est-il, Sire, que quelques jours passés me retrouvant en ma petite maison, mes enfants, tant pour me faire apparoir du labeur de leur étude, que pour me donner plaisir et récréation, m’apportaient chacun jour la lecture qui leur était faite par leur précepteur de la tragédie d’Euripide, dénommée Hecuba, me la rendant de mot à mot de Grec en Latin. Laquelle pour la sublimité du style et gravité des sentences que j’y trouvai, il me prit envie, Sire, de la mettre en notre langue française, seulement pour occuper ce peu de temps de repos à quelque honnête exercice. »
L’auteur parle de ses enfants, or « Bochetel avait quatre fils et cinq filles, […] tandis que Baïf n’avait qu’un fils unique » : le fameux Antoine de Baïf (Source BnF). Tous ces éléments rassemblés confirment le rôle de traducteur de Bochetel.
Page de titre de La tragédie d’Euripide nommée Hecuba, traduicte de grec en rhythme françoise, dédiée au Roy. On a ajouté – par erreur – le nom de Lazare de Baïf, comme traducteur, sur cette édition de 1550. Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-X-2535 – Gallica. |
Début de l’épître « Au Roi mon souverain Seigneur » de Guillaume Bochetel, traducteur d’Hecuba. Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-X-2535 – Gallica. |
Dernière page d’Hecuba. On peut lire en bas la devise de Guillaume Bochetel : « Rerum vices », c’est-à-dire « Toutes choses ont leur tour ». Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-X-2535 – Gallica |
Avec la prochaine chronique, nous aborderons un aspect plus techniques : la création des types grecs. « Noli altum sapere, sed time ».