Cette chronique raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ».
L’imprimeur humaniste Robert Estienne édite, à la suite de son père, les textes classiques. Térence est un des premiers auteurs imprimés par Robert Estienne quand celui-ci reprend l’entreprise familiale. Il faut dire que Térence – en latin, Publius Terentius Afer – est un auteur abondamment publié au XVIe siècle. Robert Estienne ne fait donc pas preuve d’originalité en éditant ces comédies latines, mais probablement de sens commercial. D’ailleurs les éditions se succèdent avec ou sans commentaires. En effet les comédies de Térence sont souvent accompagnées des commentaires de Donat, à tel point que « pour le lecteur du XVIe siècle, les noms de Térence et de Donat étaient comme inséparables » écrit Harold Walter Lawton. Donat, Aelius Donatus, est un grammairien latin du IVe siècle, auquel on doit aussi des commentaires sur Virgile.
Citons quelques remarquables éditions de Térence sorties des presses de Robert Estienne : 1526. Première édition « Parisiis, ex officina Roberti Stephani » des œuvres de Térence. 1529. Deux éditions paraissent cette année-là : une avec commentaires, l’autre sans. Le texte de celle-ci « est fortement interligné pour laisser aux étudiants la place de noter les explications du professeur, reproduisant ainsi la présentation des cahiers des étudiants » (H. W. Lawton). Dans la préface de l’édition commentée, Robert Estienne explique le travail de correction fait sur le texte de Donat. Notices des éditions de 1529 et commentaires d’Antoine-Augustin Renouard, auteur des Annales de l’imprimerie des Estienne (1843). |
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1533. Dans cette quatrième édition, figure le « De metris comicis » d'Érasme qu’on retrouvera dans certaines des éditions suivantes.
Page de titre de l’édition de 1536 de Térence avec commentaires de Donat et Érasme. Source : collections of National Central Library of Rome - Archive.org. |
Textes d’Érasme dans l’édition de 1536 de Térence. Antoine-Augustin Renouard, dans ses Annales de l’imprimerie des Estienne, écrit que cette « réimpression […] en nouveaux et meilleurs caractères […] est préférable ». Source : collections of National Central Library of Rome - Archive.org. |
Quelques images pour voir d’autres exemplaires : Début de l’Andrienne de Térence dans l’édition de 1541. Source : collections of National Central Library of Rome - Archive.org. |
Page de titre de l’édition de 1545. Source : Bibliothèque municipale de Lyon (300579) - Numelyo. |
Les différentes réimpressions laissent à penser que les ouvrages se vendaient bien. Quand il le peut, Renouard indique, dans ses Annales de l’imprimerie des Estienne, les prix auxquels les livres étaient vendus. En effet, à l’époque, Robert Estienne éditait lui-même un petit catalogue dans lequel il fait mention des prix. Les titres sont classés par langue, et pour le latin il y a une distinction entre œuvres sacrées et profanes. C’est dans cette dernière catégorie que nous trouvons Térence. Cette page du catalogue des années 1544-1545 présente les deux éditions de Térence : une avec commentaires, l’autre sans. Une troisième version est proposée dans une petite édition « parva forma minutis charact. » Ces différents formats sont donc proposés à un prix différent : 15 sols, 4 et 1. Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, Rés. Q-968 - Gallica. |
La prochaine fois, nous examinerons la présence de Cicéron dans le catalogue latin de Robert Estienne. « Noli altum sapere, sed time ».