Cette chronique raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque. Hommage à l’ancêtre du Gaffiot, l’imprimeur Robert Estienne est le premier invité des Amis de Guillaume Budé. Sa devise : « Noli altum sapere, sed time », c’est-à-dire « ne t’élève point par orgueil, mais crains ».
Jean-Marc Mandosio a traduit et édité L’influence des astres, le premier livre du De Magia naturali (La Magie naturelle) de Jacques Lefèvre d’Étaples. Après une chronique sur la magie naturelle selon Lefèvre d’Étaples, voici trois choses à savoir sur cet ouvrage.
1. Le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples n’a jamais été publié.
Pour son édition et sa traduction, Jean-Marc Mandosio a travaillé à partir de quatre manuscrits qui conservent une partie ou la totalité du De Magia naturali. Lefèvre n’a jamais fait publier son traité et au début des années 1500, il a même désavoué la magie. Le texte n’a été découvert qu’au début du XXe siècle : il est cité pour la première fois par Augustin Renaudet, en 1916, dans son ouvrage Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie (1494-1517). Un peu plus d’un siècle plus tard, la première édition bilingue français-latin paraît !
Le manuscrit Latin 7454 de la BnF est une des copies du De Magia naturali. Source : Gallica |
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La transcription en latin et français par Jean-Marc Mandosio. Source : Les Belles Lettres. |
2. Le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples « est le premier ouvrage écrit par un Français où la cabale se trouve mentionnée » (« Le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples », in Les Muses secrètes. Kabbale, alchimie et littérature à la Renaissance. Hommage à François Secret. Actes réunis et édités par Rosanna Gorris Camos, Genève, Droz, Cahiers d’Humanisme et Renaissance vol. 115, 2013, p. 76).
Au livre II du De Magia naturali, Lefèvre développe ses idées sur la cabale, idées proches de celles de Jean Pic de la Mirandole. Cette « cabale secrète » permet d’unifier la magie naturelle, la philosophie de Pythagore et la théologie chrétienne, et en même temps d’« opérer toutes sortes de merveilles supérieures à celles des mages » (Ibid., p. 75).
3. Le De Magia naturali de Jacques Lefèvre d’Étaples est illisible !
Bien sûr on exagère ! Cependant les secrets de la magie, de l’alchimie et de la « cabale secrète » ne sont pas à divulguer : ils sont pour des sages. Alors, Jean-Marc Mandosio met en garde le lecteur : « La lecture de l’ouvrage est hérissée de difficultés, à commencer par le style allusif et poétique dans lequel il est rédigé […]. Les mages et les poètes s’exprimaient au moyen de fables et d’énigmes ; Lefèvre écrit comme eux, pour ne pas se faire comprendre du vulgaire. » Ibid., p. 56-57). Jean-Marc Mandosio décrit le style de Lefèvre d’Étaples comme « emphatique, énigmatique » (Ibid., p. 66) et « d’une obscurité impénétrable pour un lecteur non averti » (Ibid., p. 76). « Lefèvre écrit un latin particulièrement rude, riche en formulations souvent déconcertantes ». Ce qui fait que les copistes des manuscrits d’Olomouc et du Vatican « ont eu le plus grand mal à comprendre ce qu’ils lisaient, aboutissant parfois à un véritable galimatias » (source : « Latin technique du XIIe au XVIIIe siècle », Annuaires de l’École pratique des hautes études, année 2005, p. 182.
Si vous n’êtes pas découragés, L’influence des astres est en librairie !
Comme promis, il y a fort longtemps, la prochaine chronique sera consacrée à la Grammatographia de Jacques Lefèvre d’Étaples, un ouvrage pédagogique écrit pour ses élèves princiers. « Pour profiter à tous, de quelque condition que soient. »
Portrait de Jacques Lefèvre d’Étaples, en latin Jacobus Faber Stapulensis. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica. |