Les Amis de Guillaume Budé – Virgile, le guide de Dante

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Cette chronique  raconte la vie des Classiques à la Renaissance. Des contemporains de l’humaniste Guillaume Budé (1467-1540) permettent de voir comment l’Antiquité alimente la culture, la pensée et la langue de l’époque.

« La conception de la Comédie repose sur la rencontre spirituelle de Dante avec Virgile. » affirme Ernst Robert Curtius (Europäische Literatur und Lateinisches Mittelalter, Bern, Francke, 1948, p. 362). Cette « rencontre spirituelle » est racontée au chant I de l’Enfer et mérite bien une chronique.

Alors qu’il est égaré dans une forêt, Dante voit « une figure » venir à lui et l’appelle à l’aide qu’il soit une ombre ou un homme. La figure répond qu’elle n’est pas un homme mais l’a été et se présente comme un poète qui célébra Énée.

« Je fus poète, et je chantai le juste
fils d’Anchise qui vint de Troie
quand l’orgueilleuse Ilion a été brûlée. »

(chant I, vers 73-75)

 

Dante déclare alors son admiration au « fameux sage » :

« Ô honneur et lumière des autres poètes,
passe-moi au crible de la longue étude et du grand amour
qui m'ont fait rechercher ton volume.
Tu es mon maître et mon auteur
tu es le seul à qui j’ai pris
le beau style qui m’a fait honneur. »

(chant I, vers 82-87)

 

Selon Piero Boitani, « C’est précisément cela, l’“étincelle ardente entre deux grandes âmes” dont parlait Curtius : avoir su traduire en incarnation la poésie de l’Antiquité classique. » (« Dante et l’Antiquité », in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 154e année, N. 1, 2010, p. 577-591)

Virgile est le guide, envoyé par Béatrice à Dante, qui mène le poète à travers l’enfer et le purgatoire. Il disparaît à la fin du Purgatoire, faisant ainsi pleurer Dante qui perd un « doux père » (chant XXX, vers 50).

L’admiration de Dante pour Virgile se voit aussi par des allusions à l’Énéide ou d’autres œuvres. Dante puise ses références mythologiques dans Virgile et Ovide (nous y reviendrons dans une prochaine chronique) : les personnages de la légende d’Énée, bien sûr, comme Anchise et Didon, mais aussi des figures comme Cerbère, Charybde et Scylla apparaissent dans la Divine Comédie. D’ailleurs quand Virgile présente Eurypyle à Dante au vingtième chant de l’Enfer, il lui rappelle qu’il en parle dans sa « tragédie » : « tu le sais bien toi qui la sais toute » (chant XX, vers 114).

Cette fine lecture transparaît également quand il « évoque l’invective de Virgile contre la cupidité (Énéide, III, 56-57) » (note de Jacqueline Risset dans son édition du Purgatoire, p. 333) au chant XXII du Purgatoire. On trouve parfois même des citations directes de Virgile, comme à la fin du Purgatoire quand les anges saluent « l’avènement de Béatrice est Manibus, oh, date lilia plenis : “Semez des lys à pleines mains”. En dépit des apparences, ce vers n’est ni évangélique ni liturgique. Ce sont les mots avec lesquels, au Livre VI de l’Énéide, Anchise parle en l’honneur du jeune Marcellus, neveu d’Auguste. » (Piero Boitani, op. cit.)

La prochaine chronique s’attardera sur les représentations de Dante et Virgile dans l’art, dont vous avez un premier aperçu avec le fameux tableau de Delacroix.

 

« Onorate laltissimo poeta ; / lombra sua torna, chera dipartita. »
« Honorez le très grand poète ; / son ombre revient, qui était partie. »

 

Image : CH11_Dante_1
La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux enfers par Eugène Delacroix, 1822 (source : Wikimedia)

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