La peinture moderne est née, au XIXe siècle, par opposition à l’Académisme, à des peintres comme Gérôme et Cabanel, à une conception hiérarchisée de l’art qui mettait au premier rang la « peinture d’histoire » et particulièrement, les sujets mythologiques. Émile Zola n’avait pas de moqueries assez cruelles pour les peintres qui s’y consacraient. Voici ce que lui inspire la Phèdre[1] de Cabanel (Musée Fabre, Montpellier) : « Que dire de cette Phèdre sans caractère, qui pourrait être aussi bien Cléopâtre que Didon ? C'est un dessus de pendule quelconque, une femme couchée, et qui a l'air fort maussade. Cela est faux de sentiment, faux d'observation, faux de facture. » (Le naturalisme au Salon, 1880).
« Un dessus de pendule... » Sévérité sans doute exagérée. Cependant, certains universitaires, certains critiques, certains guides et conférenciers en sont restés à cette idée que la mythologie faisait de la mauvaise peinture. Bien entendu, l’idée est fausse : non seulement les peintres et les sculpteurs, depuis la Renaissance, se sont inspirés, souvent avec un grand bonheur, des mythes de la Grèce et de Rome, mais c’est vrai aussi de la peinture moderne et contemporaine, celle des symbolistes, comme Gustave Moreau, qui a représenté Héraclès et l’Hydre de Lerne[2], Œdipe et la sphinge, Prométhée, Jason et Médée ; des surréalistes, comme Salvador Dali qui a composé un Narcisse mystérieux ; de Picasso, dont les Minotaures évoquent le taureau dans l’arène ; et même, de façon plus paradoxale, c’est peut-être vrai d’un « réaliste » comme Courbet (nous reviendrons plus tard sur ce cas intéressant) ou d’un impressionniste comme Renoir – même si, avouons-le, sa Diane Chasseresse[3] (1867, Washington) n’est sans doute pas son tableau le plus réussi. En fait, ce sont toutes les jolies femmes de son œuvre qui sont l’image, généralement implicite, des héroïnes et des nymphes, lumineuses, jeunes et fraîches pour toujours.
Quelques jours avant de mourir, Renoir s'exclama : « Quels êtres admirables que ces Grecs... Leur existence était si heureuse qu'ils imaginaient que les dieux, pour trouver leur paradis et aimer, descendaient sur la terre... Oui, la terre était le paradis des dieux... »
P. S.
Cabanel Moreau Renoir
(images provenant de Wikimedia Commons)
[1] https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alexandre_Cabanel_Phèdre.jpg
[2] https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/61/Gustave_Moreau_003.jpg
[3] https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c2/Pierre-Auguste_Renoir_020.jpg