Nous regrettions naguère l’antipathie de nombreux critiques et historiens de l’art pour la mythologie. Pourtant les mythes sont partout, y compris là où on les attend le moins. Gustave Courbet, par exemple, le « réaliste », ancre ses représentations dans la vie qui l’entoure ; il refuse l’histoire et la mythologie. Voire...
Le célèbre tableau du Musée d’Orsay représente un sexe féminin au plus près du réel. Mais enfin ce tableau a un titre : « L’origine du monde ». Nous sommes face à un mythe cosmogonique. Passons sur la « Femme dans la vague », qu’on prendrait volontiers pour une Aphrodite.
On peut voir au Musée Fabre de Montpellier un tableau qui a jadis indigné Napoléon III et fait rire le public : « Les baigneuses » : une grosse femme de dos, qui vient de prendre un bain dans une mare fangeuse, au creux d’une forêt profonde. Sa servante la regarde, en faisant un geste des bras, comme émerveillée et effrayée à la fois. Delacroix, tout en admirant la facture, avouait ne rien comprendre à ce physique disgracieux, à ces gestes, à ces postures, à ce décor.
Pourtant, comment ne pas reconnaître dans cette baigneuse aux grosses fesses une déesse Terre, incarnation de la fécondité, et dans le geste de la servante, cette crainte devant le sacré que les Grecs nommaient sebas ?
Pierre Sauzeau