Héraklès, le Fort par excellence, incarne depuis des siècles la puissance physique formidable d’un héros légitime, capable d’éliminer les monstres et de domestiquer le désordre du monde sauvage. Certains empereurs romains, comme Néron et Commode, se sont voulus à l’image du fils d’Alcmène. Plus tard, à partir de la Renaissance, les souverains européens se sont volontiers pris eux aussi pour des réincarnations du héros, armés de la massue et couverts de la peau du lion. François Ier et Henri de Navarre sont ainsi devenus des « Hercules Gaulois » ; Louis XIV est représenté terrassant l’Hydre de Lerne, qui figure l’hérésie toujours renaissante...
Nos hommes politiques paraissent avoir renoncé à cette image du pouvoir contondant. Ils se contentent, au mieux, « de nettoyer les écuries d’Augias ».
Mais il n’en va pas de même en Russie. Vladimir Poutine se présente comme l’Homme Fort par excellence, grand chasseur, grand plongeur... En 2014, ses « fans » moscovites ont voulu saluer son 62e anniversaire par une étonnante exposition de peintures qui restent anonymes – cela vaut sans doute mieux.
On y voit les douze Travaux, chaque travail représentant une action d’éclat de Poutine[1] : le rapport entre l’un et l’autre peut parfois paraître, il faut le dire, tiré par la crinière du Lion. Voyez plutôt : la « Capture des juments de Diomède » fait référence à l’achat à la France des deux navires Mistral – depuis, les juments sont allées brouter ailleurs. Le Lion de Némée, c’est le terrorisme. L’Hydre de Lerne, ce sont les sanctions internationales. Les Oiseaux du lac Stymphale, ce sont les avions occidentaux menaçant la Syrie – depuis, Hercule a repeuplé la région avec ses oiseaux à lui. Cerbère, ce sont les États-Unis. Le sanglier d’Érymanthe, ce sont les oligarques etc.
Qui prétend que la culture classique se perd ? Pas en Russie, en tout cas !
[1] On trouve ces images étonnantes sur Internet, en particulier sur le site de la BBC News du 7/ 10 / 2014.