Cette chronique est rédigée chaque semaine dans le train qui mène un « turbo-prof » de Paris, où il vit, à Clermont-Ferrand, où il est maître de conférences. De contrôleurs en grèves d’étudiants, de trains manqués aux cours à préparer, 1500 signes pour décrire les heur(t)s et malheurs d’un classique ordinaire.
Cette chronique, comme on va rapidement s’en apercevoir, n’a exceptionnellement pas été rédigée dans mon Intercités préféré, pour cause de vacances. D’ailleurs, l’été (je pense qu’on le comprendra aisément), j’évite de prendre le train. Je tenais cependant à répondre à une question que me posa récemment Laure de Chantal sur mon répondeur : Tatoum prend-il des vacances ? La réponse est oui !
D’ailleurs, sur une plage de l’île de Ré, je viens de lire un passionnant petit article dans le Libération du 6 août, à propos des selfies, ces autoportraits que l’on envoie le plus souvent sous forme de MMS à son entourage pour dire où l’on est, comment on va, etc. Un spécialiste de la question, chercheur à l’EHESS (André Gunthert), explique que le selfie est « un embrayeur de conversation » et correspond à une démocratisation du droit à l’image. Envoyer une image de soi, explique-t-il, n’a rien de narcissique mais correspond à un geste social : « on ne se regarde pas dans le miroir puisqu’on fait un coucou, un geste de communication ». Barbouillé de crème solaire (mais sans doute pas assez), j’ai alors songé que je devrais écrire à A. Gunthert pour lui rappeler cette excellente remarque du rhéteur Démétrios, qui me venait tout juste à l’esprit. Démétrios fut peut-être, sur ses vieux jours, le maître de Cicéron. Il expliquait, dans le Sur le style, qu’on envoie des lettres à son destinataire comme on ferait un cadeau, parce qu’au fond, c’est le portrait de son âme qu’on peint dans sa lettre. De là à affirmer que Démétrios aurait inventé le selfie avant l’heure, il n’y a qu’un pas que je ne franchirais évidemment pas.
Il faut me croire, cette anecdote ne signifie pas que je cherche à bronzer intelligemment. Dans ce cas précis, pour bronzer intelligemment, il aurait surtout fallu que je remette de la crème solaire.
J.-P. de G.