Les classiques sont bien vivants entre les murs de la vieille Sorbonne, où latinistes et hellénistes continuent d’inscrire les temps anciens au sein du monde moderne !
Lorsque l’enseignant-chercheur se déplace pour un colloque ou une journée d’études, il lui arrive de découvrir des trésors. Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise de recevoir de la part d’un étudiant du Warburg Institute (centre de recherches de l’université de Londres, célèbre pour sa bibliothèque) un présent dont je ne soupçonnais même pas l’existence ! Un livre qu’il avait trouvé chez un vieux libraire, à proximité de la British Library, intitulé Aliciae per speculum transitus, dans lequel j’ai tout de suite reconnu le conte de Lewis Carroll Alice à travers le miroir, traduit en latin en 1962 par le professeur Carruthers de l’université Mac Gill (qui avait déjà donné au public Alicia in terra mirabili). Évidemment, c’est le morceau de bravoure du récit qui a tout de suite attiré ma curiosité : le fameux poème Jabberwocky qui a donné lieu à d’innombrables traductions françaises, et même à un livre. Il fallait forger un néologisme, un mot-valise, un « portmanteau » (comme disait Carroll) : c’est taetriferocias, alliance de laideur repoussante et de cruauté terrifiante qui donne son titre au poème, dont je livre la première strophe à la sagacité des latinistes :
’Twas brillig, and the slithy toves Did gyre and gimble in the wabe; All mimsy were the borogoves, And the mome raths outgrabe. |
Hora coctava per protiniam teremeles |
Heureusement, au chapitre 6, Humpty Dumpty, Ovalius Crassus en latin, élucide pour Alice la formation de ces mots magiques avec une érudition à faire pâlir nos plus éminents linguistes restés de ce côté-ci du miroir !
A. R.