Je participe, depuis quelques années, en janvier, à la classe internationale accueillant des étudiants brésiliens. Je fais cours sur la poésie archaïque et classique, abordant, entre autres, la difficile question des origines.
Nous parlons de la tradition orale dont sont issues les épopées, des représentations théâtrales intégrées à un rituel religieux et civique. Ils sont curieux de tout, ravis d’être à Paris, et leur connaissance du français est bien supérieure à celle que j’ai du portugais. Néanmoins, quand je leur révèle le sens du mot tragédie, tragoidia, chant du bouc, je dois mimer les cornes de l’animal, et bêler, parce que le mot bouc ne leur est pas familier, et immanquablement ils rient. Cette année aussi nous avons ri, bien que nous fussions le 13 janvier, moins d’une semaine après les tueries qui nous ont endeuillés. Devant ces jeunes gens venus de si loin, avec lesquels je partageais des fragments d’une culture si ancienne, j’ai particulièrement éprouvé combien il était pertinent, important, de continuer à penser au sens du mot tragédie, à penser tout court.
M-A. S.