Albums – Diana, princesse des Amazones

Média :
Image : Logo_Albums
Texte :

Des chroniques sur les bandes dessinées en lien avec l'Antiquité sous la plume de Julie Gallego, agrégée de grammaire et maître de conférences de latin à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Image : Couverture de Diana, princesse des Amazones

Diana, princesse des Amazones
de Shannon Hale, Dean Hale et Victoria Ying,
Urban Comics, coll. « Urban Kids », juillet 2020
Version papier : 10 € (136 pages)

 

Notre chronique portera cette fois non sur un album de BD franco-belge mais sur un comic book jeunesse, Diana, princesse des Amazones, dont Shannon Hale et Dean Hale sont les scénaristes et Victoria Ying la dessinatrice. Voici la courte présentation qu’en fait l’éditeur Urban Comics :

À onze ans, Diana mène une vie paisible sur l'île de Themyscira où elle est née, aux côtés d'une mère aimante, la reine Hippolyte, et de ses nombreuses « tantes ». Mais la petite fille est enfant unique dans ce paradis isolé, au cœur de l'océan, et la solitude commence à lui peser. Pour tromper le temps, la jeune Diana décide alors de suivre l'exemple de sa mère – sans trop y croire – qui la façonna dans la glaise, et de se modeler une amie avec qui elle pourrait vivre et partager les aventures les plus folles. Elle n'aurait jamais imaginé que son rêve puisse devenir réalité.

Beaucoup des thématiques traditionnellement associées aux Amazones dans la bande dessinée (sexualité et plus précisément homosexualité, violence à la guerre contre les hommes et les enfants mâles) ne sont nullement présentes dans cet album, qui présente une version que l’on pourra trouver aseptisée mais qui s’explique aisément par la cible de l’album : il est en effet accessible aux enfants à partir de six ans, d’où la présence d’une jeune héroïne en couverture (et du petit animal qui l’accompagne). Même s’il peut tout à fait être lu par de jeunes adolescents (public de collège), la cible initiale est le jeune public (en primaire mais déjà bon lecteur).

Cette petite Diana, autour de laquelle est construit ce one shot, n’est autre que la future Wonder Woman, l’une des premières super-héroïnes à intégrer l’univers des super-héros. Créée par William Moulton Marston (qui voulait une héroïne féministe pour contrebalancer Superman et quelques autres porteurs de costumes à la musculature hypertrophiée) et dessinée par Harry G. Peter, le personnage de Wonder Woman (adulte) est apparu pour la première fois dans All Star Comics n° 8, en décembre 1941. Il est rattaché à la mythologie grecque en ce que Diana a pour mère Hippolytè et pour père Zeus ; les Amazones sont aussi des descendantes du dieu de la guerre Arès et de la Nymphe Harmonie (on comprend aisément de qui leur vient leur côté belliqueux !). Dans les versions antiques du mythe, Héraclès va tuer Hippolytè car l’un des douze travaux imposés par Eurysthée consiste à ramener la ceinture de cette fameuse Reine des Amazones. Dans notre histoire, Hippolytè (écrit dans l’album Hippolyte) est bien vivante et elle est devenue mère d’une façon assez originale, comme le rappelle l’une des jeunes guerrières à Diana (en un récit des origines qui permet d’indiquer aux jeunes lecteurs le statut exceptionnel de l’héroïne, qui prend vie comme la statue de Pygmalion ou la marionnette de bois du vieux Gepetto) : « Il était une fois une reine des Amazones dont le seul et unique désir était d’avoir une fille… […]. Dans un morceau d’argile, elle façonna un bébé parfait qu’elle nomma Diana. Le cœur chargé d’espoir, elle lui insuffla la vie. Les dieux et les déesses entendirent sa prière et la fillette d’argile prit vie » (p. 22). Comme les autres Amazones, Hippolyte porte des bracelets de force et utilise notamment un lasso pour se battre (p. 123), deux éléments que l’on retrouve comme attributs magiques de la future Wonder Woman (sous la forme des bracelets qui protègent des balles et d’un lasso qui sert de détecteur de mensonges). Et, dans cette BD jeunesse, où le temps s’est arrêté (les Amazones restent depuis des milliers d’années de belles jeunes femmes et Diana une petite fille), le danger ne vient pas du géant à la massue et à la peau de lion, mais de Circé. La magicienne va tromper et manipuler la petite Diana, qui doute de ses qualités d’Amazone (n’est-elle pas juste un morceau de terre ?), au point de la pousser à ouvrir, telle Pandore, la Porte des Damnés qui mène au Tartare. Et l’ouvrir, c’est libérer des monstres dangereux pouvant menacer la quiétude du royaume de Themiscyra. Cet album est le récit initiatique de la petite Diana, qui devra démontrer, au prix de quelques épreuves, qu’elle possède bien la qualité principale qui fera d’elle une véritable Amazone : « le courage au combat » (p. 63).

« Themiscyra est l’endroit rêvé où grandir. Il y a plus de trois mille ans, les dieux installèrent les Amazones sur les Îles du Paradis afin de les cacher au reste du monde » (p. 7-8) : dans cet album, vous apprendrez en effet que les Amazones ont créé la ville de Themiscyra, située dans une partie idyllique de l’Asie Mineure, près de la rivière Thermodon.

La BD Diana, princesse des Amazones développe l’enfance de l’héroïne, évoquée dans les dix premières minutes de Wonder Woman (Warner Bros., 2017, 142 min) de Patty Jenkins, un film qui s’inscrit dans l’univers DC. Un récit de la reine Hippolitè rappelle à la petite Diana (et informe si besoin le spectateur) des conditions particulières de sa « naissance » comme sculpture d’argile à qui Zeus a insufflé la vie ; et ce prologue raconte ensuite comment dans des temps mythiques, « quand l’Histoire était encore un songe », sont nées les Amazone et pourquoi, depuis le conflit avec Arès, elles vivent dans cette île créée par Zeus pour les protéger. Mais le temps mythique est très vite rattrapé par le temps historique avec le conflit de la Première Guerre mondiale qui brise la bulle de Themiscyra attaquée par les Allemands. La BD jeunesse Diana en reste à ce premier temps heureux purement mythique.

Pour une vision dramatique du mythe des Amazones, nous vous conseillons aussi la lecture du Cœur des Amazones de Christian Rossi et Géraldine Bindi (Casterman, 2018), qui raconte un épisode de la guerre de Troie et le destin de la reine Penthésilée qui va tomber amoureuse de son ennemi Achille. Si vous préférez une version plus humoristique du mythe, vous pourrez vous plonger dans les tomes 9 et 10 de la série Atalante de Crisse (Soleil, 2016-2017), où l’héroïne éponyme va tenter de partager la vie des femmes guerrières en Cappadoce et même assurer la protection de leur Reine Hippolytè.

 

Julie Gallego

Dans la même chronique