Un nouvel extrait de L'Affaire Agathonisi, notre polar de l'été, à retrouver en lecture intégrale ICI.
Les partenaires du projet, en chair, en os et plus seulement en mail
Ils arrivèrent tous en même temps, avec une ponctualité parfaite. Georges s’était installé au plus loin de la porte d’entrée, au haut bout de la table de travail, près de la baie vitrée. Il se leva, s’approcha lentement pour accueillir ses hôtes et eut tout le temps de voir avancer la petite troupe qui se congratulait.
Nigel était de loin le plus grand. Très mince, il paraissait plus jeune que sur les photos. Ses cheveux étaient plus roux que blancs. Il portait des lunettes quasiment sans monture, qui agrandissaient ses yeux bleus. Il tirait machinalement sur sa barbiche pointue, manie un peu agaçante, pensa Georges, à moins que ce ne soit qu’une manifestation exceptionnelle liée à une première rencontre. L’Anglais saluait un peu à l’allemande, se cassant en deux, lançant sa main droite devant lui pour serrer celle qu’on lui tendait, puis il ramenait ses talons l’un contre l’autre, sans les claquer, fort heureusement.
Georges fondait certains espoirs secrets sur la plastique de la jeune italienne. Il fut un peu déçu. Angela avait un beau visage ovale, la peau mate, elle paraissait bien faite, mais elle s’était habillée d’une espèce de sac de toile couleur brique qui ne la mettait vraiment pas en valeur. Elle portait sur le sommet du crâne un petit chignon serré en forme de boule traversé d’une aiguille à tricoter, dans le style japonais. Le pire, c’étaient les grosses lunettes d’écaille qui grossissaient ses yeux noirs comme des loupes. Elle avait une façon très masculine de serrer les mains, directe, rapide, puis elle passait à autre chose. Quand elle eut salué Georges après tous les autres, non moins rapidement, elle choisit une place à la table et y posa un grand sac d’où elle sortit son ordinateur.
Claire, la libraire avait une façon d’agir toute différente. Blonde, souriante, timide, elle paraissait attendre qu’on lui dise quoi faire. En attendant, elle sautillait sur place. Arrivée face à Georges, elle eut un geste qu’il n’attendait vraiment pas : elle l’embrassa sur les deux joues, puis elle resta devant lui, toute rouge, les bras ballants.
Pierre paraissait plus jeune encore que sur la photo publiée sur son site internet. Brun, de taille moyenne, il avait la silhouette d’un sportif et paraissait s’ennuyer un peu. Georges eut le sentiment qu’il manquait de personnalité, mais décida de réserver son jugement.
Quand tout le monde fut assis, Georges commença le petit speech qu’il avait préparé. Il avait ses notes face à lui, mais se garda bien de les lire. Il tenait à regarder ses interlocuteurs dans les yeux, à les mettre en confiance, à les impliquer le plus possible dans le projet. À vue de nez, avec Angela, il aurait besoin d’un ouvre-boîte. Il faudrait contourner l’humour de Nigel. Claire serait à encourager, ou à consoler, éventuellement, Pierre à stimuler, s’il y avait quelque chose à tirer de lui.
– Mes chers amis, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. J’ai tenu à ce que nous ayons cette petite réunion avant notre départ pour la Grèce, dans deux mois, afin que nous soyons tous vraiment d’accord sur ce que nous allons faire ensemble, comment et pourquoi. Nous avons échangé pas mal d’e-mails mais il y a sûrement bien d’autres points à éclaircir. Il était important aussi que nous fassions connaissance...
Georges laissa passer un moment de silence. Son petit public était très attentif, sauf Claire, qui fouillait dans son sac, les sourcils froncés, comme si sa vie dépendait du succès de sa quête. Mais elle trouva bientôt. Elle cherchait un mouchoir, qu’elle roula en boule et serra dans sa main droite. Elle était prête.