Entretien céleste avec Louise Guillemot

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Image : Entretien avec Louise Guillemot
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À l’occasion de la parution de Nues aux éditions Manifeste, Louise Guillemot nous fait l’honneur d’un entretien exclusif pour nous conter l'histoire d'une nue et de douze femmes grecques.

 

La Vie des Classiques : Comment vous présenter en quelques mots ?

Louise Guillemot : Bonjour, La Vie des Classiques, et merci de me recevoir sous votre portique ! En quelques mots, j’ai vingt-six ans, je vis entre Paris et le bord de la Méditerranée, à Menton, à un endroit où, certains jours, selon le climat et les nuages, on voit la silhouette de la Corse pointer au loin. Mais comme ce n’est pas très clair, je peux imaginer que c’est la côte de l’Eubée, la Chersonnèse de Thrace ou la Crète, puisque c’est la même mer…

Quand je ne regarde pas la mer, je suis écrivaine et chercheuse — ou en passe de le devenir : en ce moment, je travaille à ma thèse qui porte sur la tragédie grecque, plus précisément sur l’Andromaque d’Euripide que j’édite, traduis et commente.

J’écris pour la jeunesse et pour les adultes, des romans, des recueils de nouvelles et des albums. J’aime explorer beaucoup de formes différentes, j’écris aussi pour des revues (Zone critique, Les Lettres françaises, Manifeste, Philéas et Autobule, Faites entrer l’infini) et pour la scène. Les lecteurs et lectrices de la Vie des Classiques ont peut-être croisé mes textes dans la chronique « Retour vers le futur » où je réfléchissais sur la manière dont les Anciens imaginaient l’avenir (ou ne l’imaginaient pas du tout !).

 

L.V.D.C. : Quelles ont été les rencontres déterminantes, de chair ou de papier, dans votre parcours ? Quelle a été votre formation intellectuelle ?

L. G. : La Grèce occupe une place fondamentale dans mon imaginaire, que ce soit de façon évidente comme dans Nues, ou dans des textes qui racontent d’autres époques et d’autres lieux. Je pense qu’on a tous besoin de ce que Maïakovski appelait les réserves, ce matériau personnel avec lequel on fait les rêves. On emmagasine un stock d’étoffe précieuse où on taille parfois des formes et des coupes qui la rendent méconnaissable, mais c’est toujours là. Pour cela, je dois remercier la mer Méditerranée et la littérature jeunesse — qui est d’une richesse, d’une densité, d’une modernité formelle et thématique inégalée dans le champ littéraire contemporain. C’est un art en pleine floraison, au retentissement vertigineux, presque illimité, qui construit littéralement des êtres en même temps que des œuvres. C’était le cas il y a vingt ans et ça l’est encore plus aujourd’hui. Merci aux classiques, donc, d’Edith Nesbit à Jacqueline Duhême, merci à Georges Chaulet, à Claude Ponti, et merci à tous les nouveaux, toutes les nouvelles ! Ensuite, j’ai découvert Shakespeare et Hérodote, Agatha Christie, Aragon et Elsa Triolet…

Je dois aussi beaucoup à la formation scolaire et universitaire « classique » que j’ai reçue, à certains professeurs à Henri-IV ou à l’ENS. Je pense surtout à mon professeur de français du lycée, M. Richebourg, et à ma professeure de grec, Mme Blaire (ses cours de première m’ont décidée à étudier les lettres classiques). Je garde des souvenirs très décisifs, très émouvants, de mes deux années de classe préparatoire littéraire. Je pense que je n’aurais pas ressenti ailleurs cette transformation personnelle très profonde de la manière de penser et de voir, du rapport au temps qui passe et au désir (d’intériorité ou d’ailleurs). Il ne faut pas opposer les classes préparatoires et les grandes écoles d’une part, et les universités de l’autre, aucune des deux voies n’a à gagner de la déshérence de l’autre : vive l’enseignement supérieur public ! J’espère sincèrement que nous trouverons un moyen de défendre collectivement dans les prochaines années un modèle « élitaire pour tous », comme dirait Antoine Vitez.

 

L.V.D.C. : Vous souvenez-vous du premier texte latin et/ou grec que vous avez lu et/ou traduit ? Quel souvenir en gardez-vous ?

L. G. : J’ai un premier souvenir indirect : un été, quand j’avais sept ou huit ans, ma mère lisait L’Univers, les dieux, les hommes de Jean-Pierre Vernant et elle me racontait ce qu’elle lisait au fur et à mesure. Comme elle est comédienne, c’était aussi palpitant qu’un aède homérique et j’ai été très frappée par ces histoires de Gaia et d’Ouranos, de Titans et de Cent-Bras.

Une de mes premières versions latines, en seconde, était le début de la lettre de Didon à Énée dans les Héroïdes d’Ovide. Quant au souvenir qu’elle m’a laissé… honnêtement, je dirais « cuisant » ! Toute la classe s’est vautrée dans les grandes largeurs, si vous me passez l’expression. Mais ce qui est beau, c’est qu’à force de me heurter à tous les mots comme des portes qui ne s’ouvrent pas, je m’en souviens encore par cœur. C’est un texte magnifique et je suis heureuse de l’avoir toujours avec moi. Peut-être que cette manière de faire parler poétiquement une héroïne m’a aussi inspirée pour l’écriture de Nues.

 

L.V.D.C. : Vous publiez, aux éditions Manifeste, un livre intitulé Nues. Comment vous en est venue l’idée ? Qui est cette « nue » ?

L. G. : Quand j’ai lu l’Enquête d’Hérodote, j’ai été émerveillée par son sens de l’humour, un mélange entre beaucoup de sérieux et beaucoup de légèreté. Ce n’est pas un drame s’il existe différentes manières de raconter un même mythe, on ne peut pas réconcilier tout le monde. Par exemple, beaucoup de gens croient qu’Hélène est allée à Troie avec Pâris : pas du tout ! Elle était en Égypte et les Grecs ont combattu pour un mirage, pour un nom. Philosophiquement, rien qu’avec ça, vous avez du pain sur la planche… Euripide, dans sa pièce Hélène, imagine le drame vécu par cette princesse exilée en Égypte qui a été remplacée, aux yeux de tout le monde, par un nuage. Le nuage modelé par les déesses en forme d’Hélène a une vie propre pendant des années, comme un Doppelgänger qui aurait réussi à prendre sa place. Je me suis interrogée sur la nature et l’autonomie de ce « nuage ». Est-ce une simple métaphore ? En faisant le lien avec d’autres mythes, Écho et surtout Néphélé (nuage modelé par Zeus à l’image d’Héra pour tromper le désir d’Ixion), je me suis dit qu’il y avait quelque chose à explorer à propos des nuages, des femmes, du fantasme des autres qui prend toute la place, de la matérialité du corps et des rapports entre la vie et la fiction. J’ai voulu renverser les choses, imaginer une « nue » (féminin du « nuage ») qui choisirait de s’incarner pour goûter à l’humanité — vécue du côté des femmes.

 

L.V.D.C. : En parlant du genre littéraire justement, est-ce un roman ? un poème ? un dialogue ?

L. G. : Je n’ai pas de réponse définitive à cette question ! Il y a un prologue, un épilogue et entre les deux, douze textes qui racontent les douze vies de femme vécues par la nue. Donc, on dirait un recueil de nouvelles, mais ces nouvelles ont un lien organique entre elles (même si on peut les lire séparément, leur agencement a un sens et c’est la même nue qui vit chacune de ces vies). C’est plutôt un « livre » qu’un « recueil » (qui évoque quelque chose de fragmentaire, éclaté). J’ai aussi cherché à varier les genres de chaque texte, pour donner à ces femmes diverses formes de parole ou d’écriture qui en Grèce ancienne leur étaient d’ordinaire inaccessibles (parce qu’elles étaient réservées aux hommes ou parce qu’elles n’existaient pas, tout simplement) : le plaidoyer judiciaire, le dialogue, la correspondance, la « vie de philosophe » (un genre de biographie), l’autobiographie, le « courant de conscience »… et j’ai envisagé chacune de ces formes comme une forme poétique. Donc… un « livre poétique de nouvelles », peut-être ? Si vous trouvez mieux, s’il vous plaît, dites-le-moi, vous ferez une heureuse.

 

L.V.D.C. : La quatrième de couverture indique « La nue vivra douze vies de femmes grecques, entre fiction et réel : trois mythes, trois corps, trois esprits, trois œuvres. » Pourquoi n’avoir choisi que des figures féminines, qui plus est grecques ?

L. G. : À cause de Gaia et d’Ouranos, tout se rencontre… Dans ce mythe fondateur (qui l’a été pour moi), la Terre est un principe féminin et le Ciel, un principe masculin. Même si la Terre commence par enfanter seule des créatures effrayantes, quand on en vient au monde habitable, tout croît à partir de ce modèle : le Ciel pleut, ruisselle sur Gaia qu’il rend fertile, les êtres viennent au monde à partir de cet élément extérieur imposé d’en-haut et c’est ainsi que la vie se répète à l’infini. Gaia, c’est la matière, Ouranos, la forme. Alors j’ai voulu faire un peu d’uchronie mythologique. Qu’est-ce que cela donnerait si le masculin était du côté de la Terre-matière et le féminin du côté du Ciel peuplé de formes, royaume des abstractions ? Si le domaine par excellence du féminin, ce n’était pas l’enfantement mais la création ? Mon idée n’est pas de tourner le tableau à l’envers pour répéter toujours les mêmes dissymétries. J’ai simplement pris la liberté de suivre un fil inventé pour voir où il me menait. C’est en Grèce qu’il m’a emmenée, puisque c’est ainsi qu’on raconte souvent la naissance de l’abstraction : elle serait le fait de quelques individus, des hommes, en Grèce, il y a longtemps. Et si ce n’était pas tout à fait ça ? Et si les Formes et les Idées, accoudées au rebord de leurs nuages, avaient ri sous cape en regardant Platon ?

 

L.V.D.C. : C’est un subtil mélange de figures littéraires, mythologiques et historiques que vous proposez à vos lecteurs ! Avez-vous été amenée à enquêter sur ces douze femmes dans les sources antiques ?

L. G. : J’ai inventé très librement : par exemple, dans la nouvelle sur Aglaonice (une Thessalienne qu’on a désignée comme la « première astronome » parce qu’elle calculait les éclipses), j’ai pris au sérieux la légende selon laquelle toutes les Thessaliennes étaient des magiciennes… en imaginant qu’il s’agit d’un trompe-l’œil, que toutes les magiciennes sont en réalité des astronomes au savoir quasi surnaturel et que tout est poudre aux yeux, mirage, pour cacher quelque chose de plus éblouissant. Mais avant d’arriver à cela, j’ai fait bien sûr beaucoup de recherches (j’en profite d’ailleurs pour remercier Julia Wang qui m’a aiguillée dans le monde broussailleux de la magie antique). Pour Arété de Cyrène, une des rares femmes à avoir dirigé une école de philosophie, j’ai lu tout ce que j’ai trouvé sur les Cyrénaïques parce que je voulais essayer de comprendre d’où elle pouvait parler, penser, ressentir. C’est ce qui compte pour moi plus que l’exactitude historique. Je pratique volontairement l’anachronisme : comme tout existe de tout temps dans les nuages, la nue, même incarnée dans une vie de femme, a de temps en temps des réminiscences « platoniciennes », elle se « souvient » de Shakespeare, de François Villon, des Beatles ou de Jean Racine. Écho se confond avec la figure médiévale de Dané, Agnodice (la première femme médecin) achève son discours par les vers de Catherine Desroches, poétesse de la Renaissance… Je ne crois pas qu’on puisse tout à fait dissocier le réel et la fiction. Le Monde réel, le grand cycle romanesque d’Aragon, n’est pas moins poétique que sa période surréaliste : son « réalisme » est un réalisme agrandi, qui comprend les rêves, les fictions, les espoirs, les désirs humains…

 

L.V.D.C. : Ces douze vies forment plusieurs ensembles, « Trois nuages », « Trois corps », « Trois esprits » et « Trois œuvres ». Comment avez-vous choisi vos héroïnes et pourquoi les avoir désignées ainsi ?

L. G. : J’ai composé le livre en pensant au cycle de l’eau, qui connaît plusieurs états lors de sa descente sur terre puis de sa remontée dans les nuages. Les premières vies sont peu solides, flottantes, irrésolues : Néphélé, Écho, Hélène et son double nuageux… au fur et à mesure, la nue prend corps, ce qui est à la fois une manière de s’émanciper du mythe et du fantasme et aussi de s’assumer comme femme de chair et de sang, mortelle et pas Muse ou divinité : une médecienne, une philosophe qui prône le plaisir, une plongeuse qui doit sauver la flotte grecque à la force de ses poumons. C’est beaucoup… pourtant, cela ne me satisfait pas : j’ai voulu que cette nue regagne la capacité d’abstraction, de conception intellectuelle, et enfin de création artistique, à partir d’une vie de femme mortelle. Je ne vous raconte pas la fin, mais j’ai voulu aller aussi loin que je pouvais dans l’incarnation et dans la dissolution du « soi ». J’espère que c’est l’impression qu’aura la lectrice… ou le lecteur.

 

L.V.D.C. : Néphélé, la nue, est-ce une métaphore de l’invisibilisation féminine ? Faut-il y voir une allusion quelconque à Aristophane et à ses Nuées ?

L. G. : Tout à fait, cette comédie d’Aristophane est une pièce merveilleuse où on raconte aux naïfs que les nuées sont des divinités qui ont la capacité de prendre toutes les formes, lion, homme, centaure, etc. C’est une supercherie, mais elle fait écho à plusieurs philosophes qui voient dans les nuages une matière cosmique ou une matrice de formes (Diogène d’Apollonie, Xénophane de Colophon). Je pense, moi, que c’est aussi la matière première de la fiction, celle dont Athéna embrume Ithaque pour qu’elle semble étrangère à Ulysse.

Bien sûr, le livre n’aurait pas de sens si les voix des femmes et des hommes avaient résonné de manière égale. Bien sûr, si l’on redécouvre une figure oubliée au détour d’une nouvelle, j’en serai heureuse. Mais je n’ai pas composé une « galerie des illustres » où l’exception confirme la règle. J’ai donné le même statut à des figures historiques et à de pures constructions littéraires. Car en fin de compte, la nue est douée d’une grande liberté. Être nuage, pour elle, n’est pas une contrainte, c’est la possibilité d’une vie protéiforme, plurielle.

Nicole Loraux, que je cite en exergue du livre, a étudié la vie d’une femme-fantôme, Mélissa de Corinthe. Elle explique que les vies des femmes sont forcément des vies pleines d’invisible puisque c’est ce qu’on attendait d’une vie de femme : qu’elle n’offre pas matière à raconter sa vie.

Il y a un travail immense à faire pour dénouer ces fils de l’Histoire, mais ce travail porte forcément une part d’échec et je pense qu’il faut faire de cet échec quelque chose de beau, qui nous donne à vivre. Chercher les invisibles nous fait mesurer l’orgueil qu’on a, quand on croit que tout peut être visible, étalé sous les regards, sous le jugement, sous une mesure universelle. Il faut parfois se déprendre du visible, admettre que, oui, nous sommes aussi des êtres de fiction, d’un récit dont nous ne savons pas souvent qui le raconte, et dont on perd la page…

Pour raconter la vie de Théanô la pythagoricienne, dit encore Nicole Loraux, il faut, par manque de sources, chercher des réponses dans la vie de toutes les pythagoriciennes comme si elles étaient un peu la même personne. Je pense que ce n’est pas seulement « par défaut ». Les femmes grecques demeureront toujours en grande partie invisibles parce qu’on les a privées d’une part d’être et cela n’est pas réversible ; reconnaissons-leur au moins le pouvoir de nous faire penser différemment ce qu’est une vie humaine : c’est-à-dire une vie rongée ou peuplée de fictions, une vie jamais individuelle où le « soi » est une brève anamorphose. En d’autres termes, elles me semblent plus humaines car moins individuelles.

 

L.V.D.C. : Votre livre permet de porter un regard nouveau sur ces « oubliées de l’Histoire » : quel discours sur l’Antiquité avez-vous souhaité présenter ?

L. G. : L’étude de l’Antiquité a été très importante dans ma construction en tant que féministe. Il y a quelques années, grâce à Françoise Héritier et de ses travaux sur la « valence différentielle des sexes », aux textes de Michel Foucault sur le corpus hippocratique, etc., j’ai commencé à comprendre à quel point les constructions sociales bougent d’une époque à l’autre. Vouloir s’émanciper de rôles de genre stéréotypés, c’est déjà un vaste programme à défendre ; mais ça devient à la fois plus dense et plus subtil si on se rend compte que ces rôles stéréotypés ont eux-mêmes une histoire et qu’ils ont parfois existé à l’inverse, avec des connotations exactement opposées. Par exemple, dans les clichés grecs sur les femmes, on trouve souvent que les femmes ont un appétit sexuel démesuré et qu’elles sont incapables de se tenir, c’est pour cela qu’il faut les claquemurer ; par la suite, c’est l’idée opposée qui s’est répandue : il faudrait circonscrire les femmes dans l’espace domestique pour les protéger de l’impulsivité et de l’incontinence des hommes. Le détour par l’Antiquité est le remède parfait contre tous les discours qui commencent par « De tout temps… ».

C’est une expérience de décentrement d’autant plus troublante qu’elle met en cause ce qu’une certaine construction idéologique fait passer pour « nos racines » : non, les Grecs et les Romains ne sont pas « comme nous ». Elle bat en brèche tous les fantasmes identitaires et elle déjoue la quête des origines. Elle nous fait comprendre qu’il n’y a pas de pureté dans l’histoire et qu’il ne faut pas y chercher ses semblables mais sortir de soi. J’aime passionnément Homère et je ne m’identifie à rien ni personne dans « ses » poèmes, je sais bien que je ne supporterais pas deux jours à filer la laine à côté de Pénélope et cela ne m’empêche pas de l’aimer et d’y chercher toujours quelque chose. Le latin et le grec, c’est pour tout le monde : pas besoin d’avoir telles ou telles origines, de croire ou de ne pas croire. Cela peut vraiment être un arrière-pays pour tous, pas au sens d’un terroir mais d’un réservoir de rêves.

 

L.V.D.C. : Nous vous connaissons surtout pour vos récits philosophiques autour de figures comme Plotin et Pythagore, publiés chez Les Petits Platons et à destination d’un public plutôt jeune. À qui s’adresse Nues ?

L. G. : En effet, j’ai commencé à être publiée comme autrice jeunesse chez Les Petits Platons, Mame et Fleurus (Les Petits Platons sont une maison d’édition jeunesse avant tout, même si leurs livres peuvent également être lus par des adultes). Nues est mon deuxième roman publié mais le premier à destination d’un public adulte. Bien sûr, les frontières sont poreuses : il n’est pas interdit aux adolescents de lire aussi de la littérature « adulte », selon leurs goûts et leur sensibilité.

 

L.V.D.C. : Quant à la matérialité de votre livre, figure sur la première de couverture le tableau La Femme à l'ombrelle d’Aristide Maillol : pourquoi ce choix ?

L. G. : Parce que si vous regardez le ruban de son chapeau (je crois qu’on appelait ça un « suivez-moi jeune homme »…), on dirait qu’il se confond avec les nuages. Comme si la Femme à l’ombrelle venait tout juste de poser le pied sur terre.

 

L.V.D.C. : Pour finir sur une note de fantaisie : préfèreriez-vous rencontrer Socrate ou Diotime et que lui demanderiez-vous ?

L. G. : Je serais curieuse de voir à quoi ressemble Diotime, mais je crois que je serais trop intimidée pour lui poser des questions… et puis, entrer dans une grotte souterraine, très peu pour moi. Je choisis donc Socrate, et je ne lui demanderai rien du tout : si Diotime donne des réponses, Socrate, lui, se charge de toutes les questions !

 

Nues, éditions Manifeste, 240 p., mars 2024

Une nue, une nuage descend sur terre pour s’incarner en femme. C’est vers la Grèce que le vent la porte, ce pays où des hommes ont imaginé que les Idées voguaient dans le ciel, comme des nues
La nue vivra douze vies de femmes grecques, entre fiction et réel : trois mythes, trois corps, trois esprits, trois œuvres. Leurs vies de fantôme ou de magicienne, de philosophe, de peintre ou de poétesse s’enfantent les unes les autres comme les différents états du cycle de l’eau et racontent autrement l’origine de la pensée abstraite.
Louise Guillemot, par sa prose poétique, redonne voix, geste et idée à ces oubliées de l’Histoire, de la reine Néphélé à Corinne, rivale de Pindare, en passant par Hélène et son double perdu, Agnodice, femme médecin, ou Hydna, plongeuse qui en un souffle détruisit la flotte perse.

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