Saisir à chaque fois en quelques lignes une des innombrables contradictions du temps présent, aller en elle la faire parler de nous, s’y aidant par contraste d’une possible… « survie des classiques » ! — et le tout, banalement, dans le double respect des Lumières (la raison seule permettant de croire sans violence) et de la poésie (seule capable, au fond, de débusquer — quand il faut — la violence de la raison même).
Mon voisin Hervé « comprend les Musulmans de France ». C’est ce qu’il me dit par la haie : « Nous avons dévêtu nos femmes pour réussir à éloigner Dieu ; ne soyons pas surpris qu’ils les voilent pour croire le ramener ». Il ajoute : « Nous avons divinisé l’autonomie, nous avons décrété parfaite la souveraineté de toute liberté raisonnable, et ce contre l’évidence, contre la sensibilité, contre la tradition, contre la conscience même ; et l’on s’étonne qu’ils réautonomisent Dieu et estiment que la perfection vraie vient à l’homme d’au-delà de lui ? ». Il poursuit : « Nous renions nos racines chrétiennes ; comment vouloir qu’ils applaudissent ce qu’ils nous voient dédaigner ? ».
Je l’interromps pour juger sa « compréhension » assez condescendante. « Vous tolérez un Islam que vous devriez plutôt respecter ! » lui dis-je. « Tolérer est pourtant le mot, puisque c’est admettre ce qu’on estime faux. Si je jugeais vraie la pensée musulmane, je me convertirais, pas vous ? Quant à respecter cette civilisation, j’admirerais certainement son architecture et sa musique si j’étais cultivé ; mais au contraire de vous, voisin, je suis un âne conscient ; j’en laisse donc l’éloge aux spécialistes et l’entretien aux intéressés ».
Hervé n’est pas, malgré notre haie d’honneur, ma céphalée favorite.