Saisir à chaque fois en quelques lignes une des innombrables contradictions du temps présent, aller en elle la faire parler de nous, s’y aidant par contraste d’une possible… « survie des classiques » ! — et le tout, banalement, dans le double respect des Lumières (la raison seule permettant de croire sans violence) et de la poésie (seule capable, au fond, de débusquer — quand il faut — la violence de la raison même).
Hervé, comme promis, a relu Ida Jaroschek. Il ne raille plus, il ne se plaint plus.
« Voisin » me dit-il, « la poésie est ici comme une avalanche de mouvements sensibles, une armada de ruissellements, d'absorptions, d'écoulements et dévidements, d'échos, oscillations, morsures et éblouissements. C'est comme le récit d'une pure réceptivité, d'une si sainte passivité que pour un poète homme, la virilité doit être une sorte d'exploit !».
Puis : « Il n'y a pas là-dedans un seul objet technique ; ce ne sont qu'oiseaux, vent, neige, branches, sang, pierres et nuages, muscles et fleurs, ombres, nuques, biches et flammes. Et sa nature est une grande fille, qui n'a besoin d'aucun miracle, dont la nécessité embraye, impassiblement, sur les coincidences et aléas qu'elle rencontre. Votre poète décrit une magie dont ni la nature ni elle n'usent, ce qui la fait rester libre du mystère même qu'elle formule ».
Encore : « Votre amie Ida fait comme repasser toutes ces choses par sa voix ; mais elle emmène, dans ce détour, toute l'expérience arrachée au monde ; pas comme vous ou moi, pauvres névrosés n'y revenant qu'avec les moyens partiaux et partiels, et méconnaissants, du bord. Franchement, la survie du meilleur n'a pas de meilleur canal ».
Enfin : « La religion parlant de résurrection me gonfle ; mais sa nappe dépliée pour le retour des corps m'a ému. Et puis (me dit-il à voix plus basse), ce splendide j'ouvre cet abîme de velours vient de m'aider, je crois, à faire honorablement l'amour à ma Fabienne ».