Saisir à chaque fois en quelques lignes une des innombrables contradictions du temps présent, aller en elle la faire parler de nous, s’y aidant par contraste d’une possible… « survie des classiques » ! — et le tout, banalement, dans le double respect des Lumières (la raison seule permettant de croire sans violence) et de la poésie (seule capable, au fond, de débusquer — quand il faut — la violence de la raison même).
J’y reviens : Barthélémy Parpot (1), homme d’une mystérieuse insignifiance, d’une pétulante inertie, d’une sorte de posthume neutralité, est la plus belle création littéraire des vingt dernières années. Certes, dit-il, « je sais pas faire les miracles » ; c’est qu’il en est un.
Parpot est moral. C’est que, salopard, on a beaucoup en soi à fuir ; alors que vivant « dans l’empathie, la joie et la justice », on s’allège d’autant le bourrichon. Le génie éthico-spirituel de Parpot (dont l’énergie de bonté s’instruit d’elle seule, « ne connaissant aucun autre saint pouvant la renseigner ») a pour devise : faute de mieux, faisons le Bien.
Barthélémy est certes un peu superstitieux (lui aussi voudrait bien qu’un ami du Ciel, un Pote universel, arrange le coup quand ça vire au vinaigre), mais humblement : il craint ne pas mériter les signes qu’il traque, ni l’apparition qu’il espère. Mais il n’est pas du tout fanatique : la sainteté à ceinture de nitro, ou kalach’ en bandoulière, n’est pas son truc : la noblesse établie de son cœur, celle d’un petit Prince né directement sur Terre (non sur B 612), convaincu que nos certitudes sont d’autant plus respectables qu’elles veillent à ne regarder que nous, est celle d’un héros de roman faisant que « la sensation d’être vivant » cesse justement d’être un roman, et nous dit ceci : si tu ignores sincèrement n’être pas assez doux et compatissant, tes voisins le savent pour toi.
(1) « Le petit monde de Barthélémy Parpot » d’Alain Monnier (J’ai lu, 2015)