Le Dictionnaire françois-latin de Robert Estienne est édité en 1539 dans l’imprimerie de l’auteur. Cet ouvrage est issu des deux dictionnaires précédents de Robert Estienne : en 1531, il a publié, avec l’aide de ses collaborateurs, un Thesaurus Linguae Latinae, avec très peu d’expressions françaises (elles disparaîtront même de l’édition augmentée de 1543). Ce « trésor » est un outil pour les bons latinistes. À partir de cet ouvrage, Robert Estienne s’attelle à un Dictionarium latino-gallicum qu’il publie en 1538 (il y aura une seconde édition en 1546) : il s’agit d’un abrégé du Thesaurus Linguae Latinae à destination de latinistes de niveau intermédiaire. C’est-à-dire qu’ils ont déjà les bases de la langue, mais que ce dictionnaire leur permet d’aborder plus finement les tournures latines, avant qu’ils aient les capacités de se servir du Thesaurus Linguae Latinae.
Voyons comment Robert Estienne lui-même présente son projet dans la préface de l’édition de 1539 du Dictionaire francois-latin (sic) : « […] après avoir mis en lumière le grand Thresor d’icelle langue [le latin], lequel peult servir à toutes gens de quelque hault scavoir qu’ilz soyent garniz : nous avons mis cueur et entente au soulagement de la jeunesse Francoise, qui est sur son commencement et bachelage de literature. Si leur avons faict deux livres : L’ung commenceant par les motz Latins deschiffrez en Francois : qui fut publié dès l’année précédente. L’autre est cestuy cy qui va prenant les motz de la langue Francoise, les mettant après en Latin tout au plus près qu’il s’est peu faire. » Mais concrètement, à quoi ça ressemble ? Pour le savoir, prenons le premier terme que tous les latinistes apprennent en France et en Belgique : rosa, la rose. |
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Pour les curieux, le Dictionnaire françois-latin est disponible sur Gallica et pour les furieux, la seconde édition (1549) est aussi à votre disposition. |
L’avis « au lecteur » de 1549 souligne que cette seconde édition est une étape dans la lexicographie : « Oultre la première impression de ce présent livre, saches Lecteur qu’il a esté en ceste seconde, augmenté d’infiniz mots, lesquelz autant que possible a esté, on a tourné en Latin, fors aucuns ausquelz on n’a point encores trouvé es autheurs mots Latins respondans. Pour lesquelz te prions si tu leur trouves propres dictions Latines, de nous en advertir. […] Voyla de quoy t’avons voulu advertir, studieux Lecteur, te prians estimer cest ouvrage n’estre que commencement ».
Ce n’est effectivement que le commencement : après la mort de Robert Estienne c’est son beau-frère, Jacques Dupuys, qui réédite – et augmente – le Dictionnaire françois-latin (en 1564 et 1573) avec l’aide de Jean Nicot. Une cinquième édition est prévue : elle prend le titre de Thresor de la langue françoyse et ne sera publiée qu’en 1606, six ans après la mort de Jean Nicot.
Parallèlement, des nouvelles éditions genevoises augmentées voient le jour à la fin du XVIe siècle (à partir du Dictionnaire françois-latin de 1573) chez l’imprimeur Jacob Stoer sous le titre de Grand Dictionnaire françois-latin.
Les éditions revues et augmentées seront encore nombreuses chez plusieurs imprimeurs au XVIIe siècle, avant l’apparition des trois premiers dictionnaires monolingues en français : le Dictionnaire français contenant les mots et les choses (1680) de Pierre Richelet, le Dictionnaire Universel d’Antoine Furetière (1690) et celui de l’Académie française (1694).
Le chemin sera encore long avant la publication du premier Dictionnaire illustré latin-français, par Félix Gaffiot, en 1934 !
À dans deux semaines pour une chronique sur la collaboration de Robert Estienne et Guillaume Budé : « noli altum sapere, sed time ».
Illustrations :
1. Page de titre du Dictionaire francois latin contenant les motz et manières de parler francois, tournez en latin de Robert Estienne (1539). Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.
2. Article « rose » du Dictionaire francois latin de Robert Estienne (1549). Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.
3. Page de titre de la seconde édition (1549) du Dictionaire francois latin de Robert Estienne. Source : Bibliothèque nationale de France – Gallica.