Cette chronique est rédigée chaque semaine dans le train qui mène un « turbo-prof » de Paris, où il vit, à Clermont-Ferrand, où il est maître de conférences. De contrôleurs en grèves d’étudiants, de trains manqués aux cours à préparer, 1500 signes pour décrire les heur(t)s et malheurs d’un classique ordinaire.
Quand je suis arrivé en gare de Bercy, le train de 7h00 n’était pas annoncé à l’affichage. 6H51. Restaient 9 belles minutes pour acheter mon billet, un journal et même un café, sans courir sur le quai. Pourquoi le train n’est-il pas annoncé sur le panneau d’affichage ? Ni sur la borne de vente des billets, d’ailleurs. On n’est pas mercredi ? Il n’est pas 6h51 ? Je panique. Réunion importante à 11 heures, nouvelles maquettes pour la licence de lettres, négociations pour soutenir l’enseignement des langues anciennes dans les autres départements, promis que je serais là, qu’on pourrait compter sur moi, que plutôt mourir qu’être absent. Il est où, ce train ? Ma crédibilité de turbo-prof est en jeu.
J’aborde un contrôleur ou un chef de gare, je ne sais pas, encombré de documents. Il est où mon train ? Je suis visiblement agité. Lui, me demande mon billet et quel train je souhaite prendre. Le train de 7H00, Monsieur ! Le train de 7H00 ! Il est où ? Je crois que je hurle. Il m’explique qu’exceptionnellement ce train est parti à 6H49 (soit deux minutes avant mon arrivée en gare). Des travaux sur les voies, j’ai oublié la raison. Je me lance alors dans un discours sans queue ni tête expliquant que je suis victime des incohérences de la SNCF, que me faire ça à moi, fidèle client (c’est le moins qu’on puisse dire) ! Je brandis mon forfait fréquence, la liasse de billets conservés. Et non, je n’ai pas consulté le site SNCF.com hier soir ! J’enrage devant son impassibilité.
Ce que j’ai fait ? Comme je n’ai plus l’âge de pleurer, je suis allé acheter un café et des journaux. Les Echos proposaient d’aider le contribuable à payer moins d’impôts, et j’ai oublié les gros titres des autres journaux. Penser aux Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle et ne compter que sur ce qui dépend de soi. Alors m’est venue une idée brillante : prendre la voiture. Partir à toute allure vers les volcans. Tu connais la route ? me demande, inquiète (à raison), mon épouse. Je hausse les épaules. Je n’ai pas la place de raconter la série de mauvais choix que je fis alors, une fois dépassée la porte d’Orléans. Il faudra aussi une autre chronique pour expliquer l’heure de mon arrivée.
J-P. de G.