Cette chronique est rédigée chaque semaine dans le train qui mène un « turbo-prof » de Paris, où il vit, à Clermont-Ferrand, où il est maître de conférences. De contrôleurs en grèves d’étudiants, de trains manqués aux cours à préparer, 1500 signes pour décrire les heur(t)s et malheurs d’un classique ordinaire.
Mercredi 12 novembre 2014. Dans le train 5955, Paris Bercy-Clermont-Ferrand, départ 8H57, arrivée 12H33
Je ne connais de Nevers que deux choses : Hiroshima mon amour et une gare devant laquelle je passe depuis 9 ans, presque toutes les semaines. La voix d’Emmanuelle Riva et celle, plus synthétique, de la SNCF.
Pendant que j’avais le nez collé à la fenêtre, à regarder les prés, on m’a distribué un questionnaire intitulé INTERCITÉS et vous. Chouette. Des énoncés très simples et positifs, du type : « je suis satisfait de cette offre INTERCITÉS ». Je n’avais qu’à cocher, face à ces énoncés, des cases entre 1 et 10, entre pas du tout d’accord (case 1) et tout à fait d’accord (case 10). Mal disposé, j’ai coché la case 2 partout. 2 — et pas 1, qui signalait pourtant le plus haut niveau de désaccord. Ai-je voulu montrer mon sens de la nuance ? La case 2 est celle des gens pas contents du tout mais (encore) raisonnables. Les universitaires.
Et si l’université où ce train me conduit me posait ce type de question ? J’imagine le sourire des collègues. Et si c’était les étudiants qu’elle interrogeait ? Je ne sais pas si les trains doivent vraiment combler les attentes de quiconque. Une université, si : elle devrait combler, chez les étudiants, l’envie de savoir et d’avoir un avenir ouvert. Faute de s’acquitter de leur tâche elles finiront par distribuer aussi des questionnaires : plus besoin de manifester, il suffira de cocher.
Durant 9 ans, 30 fois par an (aller et retour), je suis passé devant Nevers. 540 fois. Je me promets d’y mettre un pied sous peu et d’en faire la chronique.
J.-P. de G.