Les classiques sont bien vivants entre les murs de la vieille Sorbonne, où latinistes et hellénistes continuent d’inscrire les temps anciens au sein du monde moderne !
Il y a des débuts d’année plus difficiles que d’autres : à peine évaporés les effluves des deux réveillons, voici, sans préambule, la passionnante question d’un étudiant vigilant et impatient : « Madame, cette déchéance de nationalité, elle avait un équivalent à Rome ? » Voyons, voyons… À Rome, la question se pose en termes de citoyenneté, conçue comme un ensemble de droits : droit de voter et d’être élu ; droit de propriété, de mariage, de commerce ; droit d’intenter un procès, de faire appel… et un ensemble de devoirs : devoir d’effectuer un service militaire, devoir de se faire recenser tous les cinq ans en déclarant son patrimoine. Quid de la « double citoyenneté » puisque c’est bien cette question que mon étudiant avait derrière la tête ? Sur le plan juridique, Cicéron a répondu, c’est non : « Notre droit civil porte encore qu’on ne saurait être citoyen de deux villes, et qu’on ne peut être citoyen d’une ville quand on s’est donné formellement à une autre ». Pourtant, cette citoyenneté n’était pas acquise ad vitam aeternam : on était en effet libre d’y renoncer en quittant Rome pour devenir citoyen d’une autre ville, ou bien en être exclu si l’on violait les lois. Les Romains avaient en effet inventé la deminutio capitis, sanction graduée qui pouvait aller jusqu’à la privation totale des droits civiques. Une déchéance, en somme, synonyme de mort civique, un ravalement à la condition d’esclave, mais sans mesure d’ostracisme. Je suggère à cet étudiant de traverser la rue de la Sorbonne pour s’informer sur la législation athénienne….
A. R.