Les classiques sont bien vivants entre les murs de la vieille Sorbonne, où latinistes et hellénistes continuent d’inscrire les temps anciens au sein du monde moderne !
Samedi 14 novembre, les universités n’ont pas ouvert leurs portes. J’aurais dû aller à la Sorbonne, ce matin-là, avec, dans mon cartable, une version prévue pour les agrégatifs, un sujet de concours blanc. Comme eux, je suis restée chez moi à écouter la radio, dans cet état que l’on nomme sidération, à rédiger et recevoir des messages inquiets. J’ai envoyé ma version aux étudiants par courrier électronique, pour qu’ils travaillent. Cela me semblait essentiel, en même temps que dérisoire, mais plus essentiel que dérisoire, finalement. Résonnaient dans ma tête, ce matin-là, et résonnent encore, les premiers mots du stasimon d’Antigone qui célèbre l’homme, πολλὰ τὰ δεινὰ, que Paul Mazon traduit par « il est bien des merveilles en ce monde », et que je me souviens avoir traduits moi-même, dans un devoir de ma jeunesse, « nombreuses sont les choses terribles ». « Terrible » ou « merveille », le chœur sophocléen poursuit, κοὐδὲν ἀνθρώπου δεινότερον, « il n’en est pas de plus grande que l’homme ». Ce matin-là, δεινά n’avait que le sens de « terrible », mais deux jours plus tard, en retrouvant mes étudiants, j’étais à nouveau prête à lui reconnaître son double sens.
M.-A. S.