On fait un très mauvais procès à nos admirables énarques, qui n’épargnent ni leur temps ni leur peine pour effacer la honte de Shanghaï, lorsqu’on leur reproche de vouloir perpétuer un système universitaire vermoulu. Tout change, à une vitesse vertigineuse.
Je ne suis plus jeune, pas encore très vieux, disons moyennement vieux. Je me rappelle. Quand j’étais assistant, les cours commençaient le 15 octobre et s’achevaient le 15 mai, puis c’était le temps de l’otium, litteratum ou non, que l’on passait en bibliothèque, à la campagne, ou en bibliothèque. La postmodernité nous a libérés de ces ruineux archaïsmes. Nous sommes à l’Université du 1er septembre au 1er août, et surtout, telle une généreuse déesse, elle nous a appris l’art, exigeant entre tous, de la maquette. Promenez-vous tard le soir dans une Faculté, vous voyez de la lumière, vous poussez une porte, vous apercevez des visages fatigués, vous entendez quelques mots : « transversale de néo-latin », « option obligatoire de linguistique », « fondamental optionnel de slovène ». Vous comprenez qu’il s’agit d’une affaire sérieuse : on refait les maquettes. Le plus jeune de nos allocataires connaît les tables de la Loi :
- aussitôt faite, toute maquette doit être défaite puis refaite, on tisse et on retisse sans autre limite que celle de notre finitude temporelle ;
- comme dans les pays de mousson, le rythme de la vie universitaire est binaire : on envoie les maquettes (au Ministère sans doute), puis on attend qu’elles nous reviennent ;
- quant au fond, dans toute la mesure du possible, chacun n’en fait qu’à sa tête, se souciant comme d’une guigne des maquettes qui ornent les plaquettes.
Vers 1970, je crois, le Ministère s’était mis en tête de changer le DUEL en DEUG, en veillant scrupuleusement à ce que le contenu pédagogique fût le même, mais cela fit quand même descendre dans la rue des centaines de milliers d’étudiants. Dans ce domaine, en tout cas, nous avons acquis une inépuisable ataraxie. Les Universités n’ont toujours pas de pétrole, mais des maquettes…