Ayant souvent à voyager dans notre beau pays, je suis frappé par l’état de détresse dans lequel se trouvent souvent plongés les départements de Lettres classiques : disparition des postes et, dans quelques cas, des départements eux-mêmes, désespérance des enseignants confrontés à des auditoires réduits à quelques étudiants, inutile de prolonger un lamento que tout le monde connaît.
L’explication la plus souvent avancée est la malveillance du Ministère à notre égard, qui se répercuterait dans la conduite de certains chefs d’établissement, voire de collègues d’autres disciplines. Il y a certainement du vrai là dedans. Étrangement cependant, il est arrivé que des antiquisants soient devenus ministres, sans que leur présence au gouvernement ait changé quoi que ce soit au sort de nos études. Le temps est peut-être donc venu de balayer devant notre porte. Certes, nous faisons notre travail du mieux que nous pouvons et nous tentons de sauvegarder un système auquel nous sommes attachés. Mais avons-nous tenu vraiment compte de l’évolution de plus en plus rapide du monde ? Avons-nous réussi à créer un intérêt profond pour les humanités chez ceux des étudiants que rebute l’apprentissage traditionnel de la grammaire, à mettre en évidence la présence de l’Antiquité dans le monde contemporain ? Avons-nous envisagé sérieusement de créer des Départements de Sciences de l’Antiquité dans lesquels, comme cela existe dans d’autres pays, celle-ci apparaîtrait non pas fragmentée, mais dans la plénitude de ses aspects ? Avons-nous rendu obligatoires dans nos cursus les humanités numériques, susceptibles d’attirer des jeunes passionnés d’informatique ? Admettons-nous que la survie des concours nationaux exige parfois la modification de leur contenu et l’intégration, par exemple, de la paléographie ou de l’épigraphie ? Sommes-nous prêts à renoncer à la dissociation, à tant d’égards artificielle, du grec et du latin ? Nous préférons trop souvent soigner une maladie grave avec des tisanes.