Cette chronique est rédigée chaque semaine dans le train qui mène un « turbo-prof » de Paris, où il vit, à Clermont-Ferrand, où il est maître de conférences. De contrôleurs en grèves d’étudiants, de trains manqués aux cours à préparer, 1500 signes pour décrire les heur(t)s et malheurs d’un classique ordinaire.
Dans le TER Clermont-Fd/ Brioude, lundi 2 février, puis Brioude/ Clermont-Fd / Paris
Ce que je fais dans ce train un beau lundi en direction du lycée de Brioude, comme si les habituels Paris-Clermont ne me suffisaient plus ? C’est très simple : je fais partie de l’opération « cordées de la réussite », censée améliorer les capacités d’adaptation des lycéens lorsqu’ils arrivent à l’université. Mes collègues sourient. J’avais reçu des élèves l’an passé dans un cours. Là, c’est moi qui fais le voyage.
Très beau, d’ailleurs. Le train longe l’Allier, les arbres tout blancs, l’Auvergne profonde. Arrivé sur place, si j’excepte le froid, une grande douceur dans les rues autour de la basilique : on n’entend que les cris de la cour de l’école. Au bout de la rue (on y est rapidement), un panorama étonnant : les mamelons du Livradois-Forez. Ça y est, je m’y crois. Une maison de campagne achetée pour pas cher, mes deux garçons qui courent dans le jardin, avec au loin le Livradois et adieu Paris.
J’avais préparé une conférence sur le rire « politique » à Rome, à cause du livre récent de M. Beard. A cause aussi des événements de janvier. Je revois ces visages de lycéens attentifs. La neige, les arbres dehors. Il s’est passé quelque chose. J’ai eu envie de leur expliquer en conclusion pourquoi faire des études, sans avoir à leur dire : « c’est bon pour vous ! ». Alors j’ai dit, je crois, qu’aujourd’hui, en ce moment, leur pays avait besoin de leur intelligence.
Et Paris qui brille devant moi maintenant.
J.-P. de G.